Le Devoir

Yannick Nézet-Séguin

- CHRISTOPHE HUSS

Au Met Opera dès l’automne

Le Metropolit­an Opera a pris le monde musical par surprise jeudi matin en annonçant que Yannick NézetSégui­n deviendra son directeur musical dès septembre 2018, anticipant de deux ans la date prévue pour sa prise de fonction.

Yannick Nézet-Séguin a libéré quelques semaines de son calendrier des saisons 2018-19 et 2019-20 pour se plonger au plus vite dans ses nouvelles fonctions à New York. Il pourra ainsi diriger la saison prochaine non pas deux mais trois opéras: Pelléas et Mélisande de Debussy, Dialogue des carmélites de Poulenc et une nouvelle production de La Traviata de Verdi mettant en vedette Diana Damrau.

Yannick Nézet-Séguin dirigera aussi deux concerts de l’Orchestre du Metropolit­an Opera à Carnegie Hall. À partir de 2020, le chef québécois sera impliqué chaque année dans 5 production­s.

L’annonce de cette arrivée permet au Met d’engranger un impression­nant don de 15 millions de dollars de la Fondation Neubauer. Yannick Nézet-Séguin est désormais le «Jeanette Lerman-Neubauer Music Director» du Metropolit­an Opéra.

Cet engagement anticipé du chef québécois est une bouée de sauvetage pour le Metropolit­an Opera qui a désespérém­ent besoin de tourner la page au plus vite après le scandale autour de son directeur musical précédent, James Levine, qui avait été suspendu par l’institutio­n pour avoir présumémen­t agressé trois adolescent­s entre les années 1960 et les années 1990.

Un sursaut attendu

Outre la présence accrue dans la fosse et sur la scène, l’arrivée anticipée de Yannick Nézet-Séguin a d’importante­s conséquenc­es pratiques. «En prenant le poste de directeur musical dès l’automne 2018, Yannick Nézet-Séguin aura la pleine responsabi­lité artistique de l’orchestre, du choeur et de l’administra­tion musicale. Sa collaborat­ion complète avec le directeur général Peter Gelb sur tous les autres sujets artistique­s débutera aussi ce moment-là », indique le communiqué.

L’analyse stratégiqu­e qui a présidée à cette anticipati­on est donc aussi limpide que juste: le changement de visage du Met ne pouvait pas attendre deux ans, sous peine d’un enlisement très risqué. La maladie, avant le scandale, a éloigné James Levine de l’avant-plan depuis maintenant près de sept ans.

Depuis la saison 2012/13, l’image du Met est incarné par Peter Gelb, un gestionnai­re transformé en Deus ex machina surexposé, mais dont le leadership et les résultats sont régulièrem­ent contestés. Il lui est par exemple reproché d’avoir rempli les cinémas, avec les retransmis­sions Met Live in HD, mais d’avoir «vidé» la salle, avec un taux de remplissag­e oscillant désormais entre 70 et 75 %.

La déclaratio­n de la mécène Jeanette Lerman-Neubauer dit tout du plan de match: «Yannick se repose sur les qualités intemporel­les qui ont menées le Met aux sommets. Mais il ajoute un nouveau type d’énergie qui fait de l’opéra un choix attractif pour un auditoire plus jeune et plus large. Nous sommes persuadés que son enthousias­me, son énergie et sa musicalité inspirée, vont être un atout majeur pour le Metropolit­an Opera et vont repousser les frontières de ce que le grand art lyrique peut accomplir. »

La première saison

La saison 2018-19 sera ouverte par Samson et Dalila de Saint-Saëns dans une nouvelle mise en scène de Darko Tresnjak avec Roberto Alagna et Elīna Garanča sous la direction de Mark Elder. Le Met présentera aussi le Marnie de Nico Muhly d’après le film d’Alfred Hitchkock. La nouvelle Traviata sera mise en scène par Michael Mayer, alors que David McVicar signera une nouvelle production d’Adrienne Lecouvreur de Cilea.

2018-19 sera peut-être la dernière occasion de voir le Ring de Wagner dans la mise en scène de Robert Lepage. Trois cycles seront proposés, dirigés par Philippe Jordan. Il n’est en effet un mystère pour personne que lorsque Yannick Nézet-Séguin s’attaquera à sa première tétralogie, après 2020, ce sera dans une nouvelle production.

Parmi les événements on citera les débuts de Gustavo Dudamel, dans Otello, et ceux de Marie-Nicole Lemieux, dans Geneviève de Pelléas et Mélisande, en janvier 2019 et dans Miss Quickly de Falstaff en février.

Enfin la série des dix retransmis­sions au cinéma débutera avec Aïda, le 6 octobre, l’héroïne étant incarnée par Anna Netrebko. Les quatre nouvelles production­s (Traviata, Marnie, Samson et Dalila et Adrienne Lecouvreur) seront diffusées. Nous verrons donc Yannick Nézet-Séguin dans Traviata, mais aussi dans Dialogue des carmélites. La Walkyrie, Carmen. La fille du régiment et La fanciulla del West complètent le menu.

Quelques minutes avant d’entrer en scène pour son concert à Philadelph­ie, Yannick Nézet-Séguin a rapidement confié au Devoir : «Depuis la signature du contrat en juin 2016, nous étions d’avis que c’était mieux si j’arrivais plus tôt.» Ce désir est devenu «besoin» des deux côtés «en avril dernier, au moment des répétition­s du Vaisseau fantôme ». «Cela devenait de plus en plus frustrant de ne pas être suffisamme­nt là», nous dit le chef, d’autant que «beaucoup d’auditions et de périodes probatoire­s sont nécessaire­s dans l’orchestre et qu’il faut un directeur musical pour guider le processus». L’annonce du jour n’a rien à voir avec l’affaire Levine, mais «je suis la bonne nouvelle à l’interne, je suis vu comme leur “processus de guérison”: tout le monde est derrière moi».

Le changement de visage du Met ne pouvait pas attendre deux ans, sous peine d’un enlisement très risqué

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METROPOLIT­AN OPERA Le chef québécois entrera en poste à la réputée institutio­n de New York deux ans plus tôt que prévu. Le voici à l’intérieur de la salle.

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