Le Devoir

Tillerson rencontre Erdogan pour déminer des relations explosives

- RAZIYE AKKOC FRANCESCO FONTEMAGGI à Ankara

Le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, s’est longuement entretenu jeudi soir à Ankara avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pour tenter d’apaiser des relations rendues explosives par l’offensive turque en Syrie contre une milice kurde alliée de Washington.

Selon des responsabl­es turcs, le chef de l’État a «transmis de façon claire» au secrétaire d’État toutes «les attentes de la Turquie» sur la Syrie, l’Irak, mais aussi sur la longue liste de contentieu­x qui empoisonne­nt les relations entre leurs deux pays pourtant alliés au sein de l’OTAN.

Un porte-parole du départemen­t d’État américain s’est borné à évoquer une «conversati­on fructueuse et ouverte pour permettre d’avancer de manière bénéfique aux deux pays». Il a espéré de «nouveaux progrès» lors de la rencontre de vendredi entre Rex Tillerson et son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu.

Le chef de la diplomatie américaine n’a en revanche pas fait de déclaratio­ns. «Pas ce soir, nous avons encore du travail», a-t-il seulement répondu à des journalist­es qui l’interrogea­ient sur cet entretien de près de trois heures et demie auquel l’unique autre participan­t était Mevlüt Cavusoglu, qui a également joué l’interprète.

«Nos relations sont à un moment très critique. Soit nous améliorons nos relations, soit elles vont s’effondrer complèteme­nt», avait mis en garde ce dernier avant la visite.

«La discussion s’annonce difficile», reconnaiss­ait-on à Washington, où l’on souligne que la « rhétorique turque » est « très enflammée ».

Symbole de cette mauvaise passe: la capitale turque a décidé de rebaptiser une avenue longeant l’ambassade des États-Unis «Rameau d’olivier», du nom de l’opération militaire turque déclenchée le 20 janvier dans le nord de la Syrie.

Or, c’est cette offensive contre l’enclave d’Afrine et les Unités de protection du peuple (YPG) qui envenime plus que jamais la situation. Ankara considère cette milice kurde comme «terroriste», mais il s’agit aussi d’un allié-clé des États-Unis dans la lutte contre le groupe djihadiste État islamique (EI).

Après les appels à la «retenue», Rex Tillerson a protesté mardi contre une opération qui «détourne» les forces antidjihad­istes de leur combat prioritair­e, estimant que des éléments kurdes ont déjà quitté l’Est syrien pour prêter main-forte aux YPG à Afrine.

«La situation est assez compliquée comme ça, n’aggravons pas les choses», a dit un membre de la délégation de Rex Tillerson.

La situation pourrait s’aggraver si la Turquie avance comme promis vers Minbej, à une centaine de kilomètres à l’est d’Afrine, également contrôlée par les YPG mais avec des militaires américains à leur côté — le président Erdogan a menacé les Américains de leur infliger une « claque ottomane ».

«Nous allons à Minbej, et s’ils sont là, tant pis pour eux», a lâché un haut responsabl­e turc à l’AFP. « Nous n’avons pas besoin de leurs recommanda­tions, mais de mesures concrètes sur le terrain. »

Sur ce sujet, les échanges risquaient de virer au dialogue de sourds.

Les Américains entendaien­t discuter des «mesures qui peuvent être prises» face aux «inquiétude­s sécuritair­es légitimes» des Turcs. Mais Ankara exige que Washington rompe avec les YPG et reprenne les armes fournies à cette milice.

« Nous n’avons jamais donné d’armes lourdes aux YPG, donc il n’y en a aucune à reprendre », a rétorqué jeudi M. Tillerson à Beyrouth, juste avant d’arriver à Ankara. Il avait auparavant prévenu que les États-Unis allaient « continuer à former des forces de sécurité locales», tout en veillant à ce qu’elles « ne représente­nt pas une menace » pour les « voisins ».

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ANWAR AMRO AGENCE FRANCE-PRESSE Le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson

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