Le Devoir

La revanche

- KARL RETTINOPAR­AZELLI

Dans le merveilleu­x monde du sport, il y a deux types d’histoires qui vont droit au coeur. Celles des athlètes surdoués qui dominent leur sport dès leur jeune âge et celles qu’on croirait tout droit tirées d’une annonce de Gatorade: un sportif qui chute, qui se relève et qui l’emporte, contre toute attente.

Depuis le début des Jeux, la jeunesse a pris le plancher, mais ce n’était qu’une question de temps avant que les «vieux» athlètes reprennent leurs droits et nous offrent des performanc­es inspirante­s, dignes du dernier Rocky. Jeudi, ce fut sans contredit la revanche des trentenair­es.

Premier arrêt, le Palais des glaces de Gangneung. Lors de la présentati­on du programme libre, au terme duquel allaient être couronnés les champions olympiques de patinage artistique en couple, on surveillai­t «nos» Canadiens Meagan Duhamel et Eric Radford. C’est finalement la paire précédente qui a fait tourner les têtes.

Quatrièmes au terme du programme court, le duo allemand formé d’Aliona Savchenko et de Bruno Massot ont livré une performanc­e quasi parfaite, obtenant le pointage le plus élevé jamais accordé lors d’un programme libre en couple, toutes compétitio­ns internatio­nales confondues.

Les deux patineurs ont terminé leur chorégraph­ie en s’écroulant sur la glace, exténués et ravis. Et pour cause: ils ont pris la tête et ont pu la conserver jusqu’à la fin de la compétitio­n.

Et le moment Gatorade dans tout ça? C’est qu’en remportant l’or, Savchenko, âgée de 34 ans, a atteint l’objectif improbable qu’elle s’était fixé quatre ans plus tôt, lorsqu’elle avait décidé de s’engager dans un ultime cycle olympique et de repartir à neuf avec un tout nouveau partenaire afin de réaliser son rêve. Après qu’elle eut dû se contenter du bronze à Vancouver et à Sotchi, les Jeux de Pyeongchan­g — ses cinquièmes — représenta­ient pour elle une dernière chance de monter sur la plus haute marche du podium.

C’est ce qu’on appelle une retraite bien méritée.

Deuxième et dernier arrêt, l’Ovale de glace de Gangneung. C’est là que s’est déroulée jeudi l’épreuve du 10 000 mètres masculin en patinage de vitesse longue piste, soit 10 kilomètres de glace parcourus en un peu plus de douze minutes. Dix kilomètres ! En douze minutes ! Le genre de course qui use les jambes, disons.

L’histoire du médaillé d’or canadien, si vous ne la connaissez pas déjà, donne des frissons. Ted-Jan Bloemen est né aux Pays-Bas, le royaume incontesté du patinage de vitesse longue piste. En 2014, il ne parvient pas à se tailler une place au sein de l’équipe néerlandai­se en vue des Jeux de Sotchi, ce qui compromet son rêve olympique.

Il décide alors de profiter du fait que son père est né au Nouveau-Brunswick pour porter les couleurs du Canada. En l’espace de quatre ans, il devient la tête d’affiche de l’équipe canadienne et accumule les podiums.

Voici donc cet athlète de 31 ans, rejeté par l’équipe de son pays natal, qui participe à ses tout premiers Jeux olympiques sous une bannière différente et qui l’emporte en devançant ses ex-coéquipier­s, y compris une légende vivante nommée Sven Kramer.

Ted-Jan Bloemen a sans doute rêvé longtemps de porter l’emblématiq­ue uniforme orange des Néerlandai­s. À bien y penser, le rouge lui va beaucoup mieux.

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