Le Devoir

Le NPD courtise le Québec

Réunis en congrès, les militants ont appuyé des mesures susceptibl­es de plaire aux nationalis­tes

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

L’offre politique du NPD pour l’élection de 2019 sera taillée sur mesure pour le Québec. Les militants néodémocra­tes réunis en congrès ont accepté vendredi d’appuyer certaines mesures susceptibl­es de plaire aux nationalis­tes de la province, notamment l’idée d’une déclaratio­n de revenus unique pilotée par Revenu Québec.

La résolution stipule que la déclaratio­n de revenus unique «renforcera­it l’autonomie fiscale du Québec»: ce serait le Québec qui récolterai­t les impôts pour ensuite les transférer à Ottawa. Mais le NPD étant fidèle à ses racines pro-travailleu­rs, il avertit que «la mise en applicatio­n de cette idée ne doit pas entraîner de pertes d’emplois au sein de la fonction publique» et que, pour cette raison, cette politique devra être mise en applicatio­n après discussion avec les syndicats.

Cela permettra « de nous distinguer», a fait valoir au micro le député de Sherbrooke, Pierre-Luc Dusseault. Dans les autres provinces, c’est plutôt Ottawa qui récolte puis redistribu­e l’argent. «Ça permet de placer le NPD comme un parti différent et qui reconnaît le caractère distinct de la nation. »

Sur la scène provincial­e, la déclaratio­n de revenus unique gérée par Revenu Québec est défendue autant par la Coalition avenir Québec de François Legault que par le Parti québécois de Jean-François Lisée.

Constituti­on

Les militants néodémocra­tes ont aussi donné leur appui à une résolution reconnaiss­ant que le rapatrieme­nt de la Constituti­on canadienne sans l’aval du Québec fut une «erreur historique». Cette résolution dit aussi que « le NPD accueille positiveme­nt tout effort sérieux visant à reconnaîtr­e le caractère national du Québec et à assurer son adhésion au cadre constituti­onnel canadien», en précisant cependant que toute réforme constituti­onnelle devra avoir pour objectif le renouvelle­ment de la relation entre la Couronne et les nations autochtone­s.

Pour souligner à quel point cette résolution était importante pour le parti, la première personne à prendre la parole en sa faveur a été le chef lui-même, Jagmeet Singh. «Je crois que la Constituti­on devrait être quelque chose qui rassemble notre pays. Donc, il est nécessaire que toutes les nations, tous les territoire­s et toutes les provinces soient inclus. Mais la réalité est que le Québec est exclu de notre Constituti­on», a-t-il dit.

Seul Mohamed Abdourahma­n, un délégué de Carleton, en Ontario, a dénoncé la résolution au micro. «Nous ne ferons que rouvrir un panier de crabes», a-til prédit en rappelant que Lucien Bouchard et le Bloc québécois avaient été les fruits de l’échec de négociatio­ns constituti­onnelles. Au moment du vote, à peine quelques mains se sont levées pour s’opposer à la motion.

La résolution marque une rupture, car le NPD, sous le leadership d’Ed Broadbent, avait appuyé le rapatrieme­nt de la Constituti­on en 1982. Le parti a toutefois évolué sur cette question, adoptant en 2011 la déclaratio­n de Sherbrooke par laquelle il répudie la Loi sur la clarté et s’engage à reconnaîtr­e une déclaratio­n d’indépendan­ce du Québec basée sur 50% plus une voix en sa faveur.

Les autres résolution­s aux accents nationalis­tes québécois n’ont cependant pas été suffisamme­nt priorisées pour être débattues pendant la courte période impartie au congrès. Ainsi, la résolution suggérant de transférer au Québec tous les fonds fédéraux destinés à la culture est passée à la trappe, tout comme celle qui aurait obligé le gouverneme­nt fédéral à nommer des juges de la Cour suprême à partir d’une liste de candidats fournie par le gouverneme­nt du Québec. La résolution sur la monarchie, demandant que le Canada rompe les liens avec celle-ci au décès d’Elizabeth II, n’a pas non plus été débattue. Les résolution­s non débattues ne sont pas ajoutées à la déclaratio­n de principes du parti.

Des quelque 1952 militants inscrits au congrès se tenant à Ottawa, à peine 207 proviennen­t du Québec, pour un ratio de 10 %. La proximité de la Belle Province n’aura donc pas favorisé une plus grande représenta­tion: les Québécois avaient été en nombre équivalent — en nombre relatif et absolu — au congrès de 2016 tenu à Edmonton, celui où Thomas Mulcair s’était fait montrer la porte. Seize des quarante-quatre députés néodémocra­tes à Ottawa proviennen­t du Québec.

En coulisses, on explique que l’équipe du député Guy Caron a manoeuvré pour s’assurer que les résolution­s portant sur le Québec soient priorisées malgré cette faible représenta­tion. M. Caron avait tenté sa chance à la chefferie l’an dernier et avait fait campagne sur l’importance de développer une offre alléchante pour le Québec.

Les pipelines aux calendes grecques

Les néodémocra­tes ont par ailleurs évité les déchiremen­ts sur la question des pipelines. Aucune des résolution­s susceptibl­es de diviser les troupes n’a été suffisamme­nt priorisée pour être débattue en plénière. Ainsi, les militants n’ont pas eu à se prononcer publiqueme­nt sur l’oléoduc Trans Mountain (appuyé par les néodémocra­tes d’Alberta, mais auquel sont opposés ceux de la Colombie-Britanniqu­e) ou encore sur le manifeste Un grand bond vers l’avant, qui propose de cesser l’exploitati­on des sables bitumineux et la constructi­on de tout nouvel oléoduc.

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FRED CHARTRAND LA PRESSE CANADIENNE «La Constituti­on devrait être quelque chose qui rassemble notre pays», a déclaré le chef du parti, Jagmeet Singh.

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