Le Devoir

Le FBI aurait pu empêcher la tuerie

La police avait été prévenue du danger que représenta­it Nikolas Cruz, mais elle n’a pas mené d’enquête

- SÉBASTIEN BLANC LEILA MACOR à Washington

Dans un aveu rare et stupéfiant, la police fédérale américaine a reconnu vendredi avoir manqué d’agir, ayant été avertie en détail de la dangerosit­é potentiell­e de Nikolas Cruz, le jeune homme qui a tué mercredi 17 personnes dans une école secondaire de Floride.

Le FBI a précisé avoir reçu le 5 janvier dernier un appel d’un proche de Cruz, qui a décrit le comporteme­nt déviant du jeune homme de 19 ans et son intention de tuer des personnes, y compris dans un établissem­ent scolaire.

Cette informatio­n « aurait dû être traitée comme une menace potentiell­e» et «aurait dû être communiqué­e au bureau du FBI de Miami, qui se serait chargé des investigat­ions nécessaire­s », a souligné le FBI.

À l’inverse, il n’y a pas eu de remontée de l’informatio­n, et donc pas d’enquête ouverte. En bref, «la procédure en vigueur n’a pas été respectée», a admis la police fédérale.

L’informateu­r, dont l’identité n’a pas été révélée, a également livré au téléphone des détails sur le fait que Cruz était armé et qu’il publiait des messages menaçants sur les réseaux sociaux.

Le jeune homme de 19 ans avait été renvoyé de l’école secondaire Marjory Stoneman Douglas, située dans la ville de Parkland. Il a ouvert le feu mercredi avec un fusil semi-automatiqu­e dans les classes de cet établissem­ent, ses balles fauchant une trentaine de personnes, dont 17 sont décédées.

Le FBI a si mal agi que son directeur, Christophe­r Wray, a promis d’«aller au fond du problème». M. Wray s’est également dit prêt à revoir les procédures en place, dans une déclaratio­n jointe au communiqué.

Interpellé peu après sa fusillade, Nikolas Cruz a été écroué. Il est poursuivi pour 17 meurtres avec préméditat­ion.

Visite à l’hôpital

Donald et Melania Trump se sont rendus vendredi soir dans un hôpital de Floride au chevet des victimes blessées. Le couple a également rencontré des membres du personnel hospitalie­r.

«Le travail des docteurs, des infirmière­s, de l’hôpital, des premiers secours et des forces de l’ordre est incroyable. La vitesse à laquelle ils ont transporté les victimes à l’hôpital est un record», a dit brièvement le président.

Puis il s’est entretenu avec des forces de l’ordre locales pour les remercier très chaleureus­ement de leur travail.

Le milliardai­re devait se rendre ensuite dans sa résidence de Mar-a-Lago, non loin de Parkland, pour y passer le week-end.

Sa visite survient alors que des proches des victimes de l’école secondaire de Parkland exhortent à agir contre les armes à feu.

Parmi les parents parvenant à surmonter leur chagrin pour s’exprimer devant les caméras, Lori Alhadeff a suscité une vive émotion par l’intensité de ses suppliques. Elle a perdu sa fille de 14 ans, Alyssa.

«Des actes! Des actes! Des actes!» a-t-elle crié sur l’antenne de CNN, en interpella­nt directemen­t le locataire de la Maison-Blanche.

« Je viens de voir ma fille, au corps froid comme la glace. Elle a reçu des tirs dans le coeur, dans la tête, dans la main. Morte! Froide! Elle ne reviendra pas», a martelé Mme Alhadeff, à l’issue d’une veillée ayant rassemblé des milliers d’habitants.

Le président Trump, qui avait été activement soutenu dans sa campagne par les lobbys des armuriers, s’est pour l’instant gardé d’établir un lien entre la disséminat­ion des armes à feu dans le pays et la fusillade qui a semé en quelques secondes la mort et le chaos à l’école secondaire.

À l’inverse, M. Trump a insisté sur les perturbati­ons mentales de Nikolas Cruz, soulignant vouloir porter ses efforts sur le terrain de la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques.

Mais le président aura pu voir le long de la route vers l’école secondaire, des pancartes récemment posées qui affichent « No guns 4 kids » («Pas d’armes pour les enfants»).

«Trop, c’est trop. Il est urgent d’adopter des lois de bon sens qui empêcherai­ent les personnes mentalemen­t malades de se procurer des armes qu’elles ne devraient pas avoir en main», a confié Diana Umpiere, une résidante.

«Mon Alyssa n’est plus. Mais désormais, je me bats pour les autres enfants qui continuent à aller à l’école», a de son côté assuré Lori Alhadeff.

Everytown for Gun Safety et Moms Demand Action, deux organisati­ons à la pointe de ce combat, ont lancé vendredi une initiative nationale pour écarter les élus qui temporisen­t la question.

«L’heure est venue de les faire dégager», a justifié John Feinblatt, le président de Everytown for Gun Safety. «Les Américains en ont assez des excuses et de l’inaction. »

Lors d’une brève comparutio­n jeudi devant une magistrate, Nikolas Cruz est apparu prostré entre ses avocats, les membres entravés par des chaînes, avec un visage aux traits encore juvéniles.

Face aux enquêteurs, il a reconnu avoir mené son attaque avec un fusil d’assaut et des chargeurs de munitions qu’il avait légalement acquis dans une armurerie et qu’il transporta­it dans un sac à dos.

Réussissan­t à se fondre parmi les élèves évacués, il est ensuite allé s’acheter à boire dans une sandwicher­ie Subway, puis s’est arrêté dans un McDonald’s, avant d’être interpellé.

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RHONA WISE AGENCE FRANCE-PRESSE Un homme se recueille devant un mémorial à la mémoire des victimes de la fusillade de l’école Marjory Stoneman Douglas.

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