Le Devoir

La Cour supérieure se porte à la défense d’un lanceur d’alerte congédié

- LIA LÉVESQUE

Un tribunal vient encore une fois de se porter à la défense d’un lanceur d’alerte, qui avait été congédié après avoir donné une entrevue à un média.

Le travailleu­r, inspecteur au ministère québécois du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s, avait été congédié en décembre 2015 après avoir donné une entrevue, le visage couvert, à la télévision de Radio-Canada.

Il y avait dénoncé la baisse des effectifs affectés aux inspection­s et ses conséquenc­es sur la protection de l’environnem­ent. Il avait aussi affirmé que les visites effectuées durant la période estivale par des étudiants étaient comptabili­sées à titre d’inspection­s dans les données annuelles.

Le ministère lui avait reproché ses «déclaratio­ns fracassant­es», qu’il jugeait fausses. Il l’avait congédié, notamment parce qu’il avait accordé cette entrevue sans en avoir l’autorisati­on et qu’il avait porté atteinte à la réputation du ministère.

Le Syndicat de la fonction publique et parapubliq­ue du Québec (SFPQ), dont il est membre, avait contesté le congédieme­nt du salarié, Robert Livernoche.

En première instance, un arbitre de grief avait annulé son congédieme­nt et l’avait converti en suspension de deux mois. Il avait aussi ordonné sa réintégrat­ion et le remboursem­ent de son salaire.

Le ministère avait contesté cette décision de l’arbitre, mais la Cour supérieure l’a maintenue, la jugeant raisonnabl­e et fondée.

«Le Tribunal ne peut tout simplement pas suivre le raisonneme­nt des demandeurs et conclut que la décision de l’Arbitre de substituer une suspension de deux mois au congédieme­nt constitue une décision intelligib­le et qui fait partie des issues possibles acceptable­s en regard des faits et du droit. Elle est donc raisonnabl­e et doit être maintenue», a tranché le juge Michel Beaupré, de la Cour supérieure.

Le juge Beaupré a notamment considéré comme facteur atténuant le fait que M. Livernoche avait 23 années d’ancienneté et un dossier disciplina­ire vierge.

Il a aussi relevé le fait que M. Livernoche avait exprimé des regrets.

Le juge Beaupré affirme que l’arbitre «n’a pas indûment minimisé la faute commise par le salarié», puisqu’il a tout de même converti son congédieme­nt en une suspension de deux mois. «Il qualifie ses faits et gestes de fautes graves», souligne le juge.

L’arbitre n’avait pas qualifié de vrais ou de faux les propos que le travailleu­r avait tenus, mais il avait conclu de la preuve que ces propos reflétaien­t globalemen­t une divergence de perception­s entre le ministère et le syndicat concernant la gestion des inspection­s.

«Concernant le commentair­e du salarié que le ministère gonfle le nombre d’inspection­s annuelles en y incluant les visites effectuées par des étudiants, l’Arbitre, sans les qualifier expresséme­nt de véridiques, note dans sa sentence, preuve documentai­re à l’appui, que l’employeur a effectivem­ent comptabili­sé les visites des étudiants dans le total des inspection­s annuelles et que le sous-ministre adjoint ayant témoigné lors de l’audition du grief l’a admis», écrit le juge Beaupré.

Le SCPQ se réjouit Au cours d’une entrevue vendredi, le président général du SFPQ, Christian Daigle, s’est réjoui de la décision, même si le travailleu­r a tout de même été suspendu durant deux mois.

« C’est une victoire pour nous, parce qu’ils avaient donné la peine capitale à M. Livernoche. Le congédieme­nt équivaut à une fin complète, alors que cette personne-là avait un dossier vierge. Ce n’est pas banal non plus d’avoir une suspension de deux mois», a-t-il commenté.

Ce jugement, croit-il, lance un message. «Ça lance le message qu’on peut s’exprimer, qu’on peut dire des choses. Par contre, ça lance le message également qu’il faut faire attention à ce qu’on dit et toujours valider l’informatio­n avant », a résumé M. Daigle.

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