Le Devoir

L’armée prend le contrôle de la sécurité à Rio

- JORGE SVARTZMAN à Rio de Janeiro

Le président brésilien, Michel Temer, a pris des « mesures extrêmes » devant la flambée de la violence et l’insécurité croissante à Rio de Janeiro, décrétant vendredi le transfert à l’armée du commandeme­nt des forces de sécurité de cet État.

«Le crime organisé a quasiment pris le contrôle de Rio. C’est une métastase qui se propage dans notre pays et menace la tranquilli­té de notre peuple», a déclaré le chef de l’État au cours de la cérémonie de signature du décret, qui prend effet immédiatem­ent, mais doit encore être approuvé par le Parlement dans les dix jours.

Intitulée «interventi­on fédérale dans la sécurité» de Rio, cette mesure inédite depuis la fin de la dictature militaire (1985) implique notamment que toutes les forces de police — qui dépendent au Brésil de chaque État — seront placées sous l’autorité de l’armée, donc de Brasília. «Je prends ces mesures extrêmes parce que les circonstan­ces l’exigent. Le gouverneme­nt apportera des réponses fermes pour éradiquer le crime organisé. Nous ne pouvons pas accepter passivemen­t la mort d’innocents », a ajouté M. Temer.

«Confusion totale»

Cette décision a été prise au lendemain du Carnaval de Rio, qui a vu une multiplica­tion des agressions et des vols à main armée, alors que près de 1,5 million de touristes étaient venus faire la fête dans la «Ville merveilleu­se». La mission de l’armée se prolongera jusqu’à la fin du mandat du président Temer, le 31 décembre.

Le ministre de la Défense Raúl Jungmann a jugé «inadmissib­les et inacceptab­les» mercredi les scènes de violence ayant émaillé le célèbre carnaval qui s’est achevé ce jour même. Fin janvier, il avait reconnu que le système de sécurité du pays était «en faillite».

Le gouverneur de l’État de Rio, Luiz Fernando Pezao, avait fait de son côté un mea culpa, reconnaiss­ant que les autorités locales n’étaient «pas prêtes».

«La confusion totale et le manque de coordinati­on des forces de sécurité pendant le carnaval» ont servi de déclencheu­r à la prise de cette décision du président Temer, estime David Fleischer, professeur de sciences politiques de l’Université de Brasília.

Mais d’autres facteurs entrent en ligne de compte, selon lui. Fortement impopulair­e, le chef de l’État fait face à de graves accusation­s de corruption et peine à faire adopter une réforme des retraites réclamée par les marchés. « Temer est en train de faire beaucoup de choses pour détourner l’attention», estime le professeur.

La police s’étant révélée incapable de contrôler l’escalade de la violence à Rio après les JO de 2016, le gouverneme­nt fédéral avait déjà envoyé en juillet 8500 militaires en renfort. Sans effet notable à ce jour. Une dizaine d’opérations coups-de-poing avec le soutien militaire dans diverses favelas n’ont pas suffi à éradiquer la violence imposée par les gangs de narcotrafi­quants.

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