Les études québécoises sous le couperet de décideurs sans mémoire
En 1997, le ministère des Relations internationales (MRI) a encouragé et soutenu activement la création de l’Association internationale des études québécoises (AIEQ). Il avait deux bonnes raisons de le faire. Il avait compris qu’il était dans son intérêt d’ajouter à son arsenal de diplomatie publique et culturelle le relais que représente un réseau d’universitaires qui connaissent bien le Québec et qui sont d’autant plus crédibles pour aider à mieux le faire connaître, comprendre et apprécier objectivement qu’ils sont indépendants du gouvernement.
Il avait également compris que ses efforts pour encourager et soutenir le développement des études québécoises seraient probablement plus efficaces, cohérents, continus et moins coûteux s’il parvenait à rassembler au sein d’un seul grand réseau international l’ensemble de celles et ceux qui se consacrent à l’étude du Québec et s’il pouvait aussi leur donner accès à un guichet unique pour leur fournir un soutien égal et équitable pour tous.
Diversifier les sources de financement
Au départ, il avait été envisagé de doter cette association d’un fonds de capitalisation dont les intérêts lui auraient permis d’assurer une partie de son fonctionnement à long terme. Il est bien vite apparu que cet objectif était illusoire. Les grands donateurs qui avaient été pressentis pour alimenter ce fonds, notamment les quatre plus importantes institutions et entreprises du secteur public, avaient bien d’autres causes à soutenir. Sans compter qu’elles ne voyaient pas très bien l’intérêt qu’elles auraient eu à venir remplacer le ministère des Relations internationales pour financer une organisation dont la mission s’inscrivait visiblement dans le prolongement de la sienne.
Au cours de ses quelque vingt ans d’existence, l’AIEQ a fait tous les efforts voulus pour diversifier ses sources de financement. Elle n’a jamais cessé de solliciter des dons et contributions de la part de particuliers ou d’entreprises. Ceux qu’elle a obtenus au fil des ans de la part de certains de ses membres, de certains éditeurs, de la plupart des établissements universitaires du Québec et de la francophonie canadienne aussi bien que de certains députés de tous les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale ont servi à bonifier certains de ses programmes, mais n’ont pu être utilisés pour financer son fonctionnement, qui, comme c’est le cas pour tous les organismes ayant une vocation semblable à la sienne, se devait d’être soutenu par l’État.
Il faudrait être bien naïf pour penser que les dirigeants du MRIF ne savent pas très bien déjà que l’AIEQ n’a jamais pu et ne pourra jamais s’autofinancer et qu’elle est vouée à une disparition certaine si la subvention de 135 000$ qui lui est accordée est réduite de 52 000 $. Il faudrait être encore plus naïf pour ne pas comprendre que ce qu’ils souhaitent avant tout, c’est de pouvoir continuer de bénéficier des retombées qu’ils retirent de l’AIEQ et de son réseau, et ce, tout en faisant une économie sur le dos de ses membres, de ses partenaires et de ses partisans.
Insulte à l’intelligence
Loin d’être respectueuse, une telle attitude est une insulte à l’intelligence de tous ceux et de toutes celles qui ont à coeur de contribuer à la promotion du Québec. Qu’est-ce qui peut bien motiver une telle attitude? Un manque d’argent? Si c’est le cas, comment se faitil que le Centre de la Francophonie des Amériques (CFA), dont la mission est tout à fait louable sans pour autant être consacrée au rayonnement international du Québec, peut compter sur des subventions gouvernementales totalisant 2 millions de dollars par année, dont une partie est assumée par le MRIF, ainsi que sur une équipe d’une quinzaine de personnes, sans avoir à demander la moindre contribution à qui que ce soit d’autre, alors que l’AIEQ devrait se contenter de 83 000 $ et de seulement deux employées à temps plein pour animer et appuyer un réseau de près de 3000 «mordus» du Québec répartis sur les cinq continents ? À l’évidence, c’est beaucoup plus un manque de volonté politique qu’un manque d’argent qui peut motiver de la part du MRIF une attitude aussi dévastatrice et nuisible à la promotion du Québec sur la scène internationale.
Pour le gouvernement Couillard, les relations internationales du Québec sont loin d’être une priorité. Le MRIF est un tout petit ministère. Ce ministère dispose d’un budget qui n’est guère plus étoffé aujourd’hui qu’il l’était au début des années 1990. D’ailleurs, il est fort possible que son budget soit trop petit pour lui permettre d’apporter à lui seul tout le soutien dont l’AIEQ aurait besoin pour remplir adéquatement sa mission. Quand on est petit, on a souvent bien du mal à voir les choses de haut. Est-ce une raison pour chercher à entraîner les autres dans son propre rapetissement, à plus forte raison quand il s’agit de faire rayonner et non de faire rapetisser le Québec ?
Découverte du Québec
Chaque année, ce sont au moins 50 000 étudiants étrangers qui découvrent le Québec grâce aux cours, aux conférences, aux projets de recherche, aux publications, aux colloques, aux soirées d’information ou encore aux festivals de cinéma, de conte ou de poésie qui sont organisés par les membres de l’AIEQ dans les universités étrangères. Bon nombre de ces étudiants sont appelés à devenir plus tard ces touristes, ces immigrants, ces investisseurs, ces travailleurs et chercheurs étrangers sur lesquels le Québec compte tant pour assurer son développement. Chaque année, les universités où se trouvent ces québécistes étrangers dépensent au moins 5 millions de dollars pour que leurs professeurs et chercheurs puissent faire découvrir le Québec à leurs étudiants. Tout ce que ces milliers de québécistes étrangers demandent au gouvernement du Québec, c’est de pouvoir obtenir parfois un léger soutien financier de la part de l’AIEQ pour prendre en charge une faible partie de toutes les dépenses que doit assumer leur université pour accueillir dans l’un de leurs cours, de leurs colloques ou de leurs festivals un expert, un écrivain, un conteur, un dramaturge ou un cinéaste québécois.
Loin de se montrer reconnaissant et respectueux envers tous ces amis qu’a le Québec à l’étranger et qui en sont autant de précieux ambassadeurs, le gouvernement du Québec les traite avec mépris en leur faisant comprendre qu’il n’a pas besoin d’eux. Pire encore, il les invite à trouver eux-mêmes le financement dont a besoin leur association s’ils veulent continuer à apporter leur contribution au rayonnement international du Québec. Une telle arrogance est honteuse.
Il ne faut pas hésiter à dénoncer l’incompétence et la malhonnêteté intellectuelle de toutes celles et de tous ceux qui, depuis plusieurs années déjà, notamment depuis janvier 2015, mentent effrontément en affirmant qu’ils tiennent à assurer la survie de l’AIEQ. En fait, ils n’ont pas cessé de la faire mourir à petit feu en l’obligeant à déménager son siège social à deux reprises en l’espace de quelques mois, en l’empêchant de jouir de l’autonomie de gestion dont elle a besoin pour s’épanouir et surtout en la privant de tout le personnel sur lequel elle devrait normalement pouvoir compter pour par venir, comme elle a réussi à le faire pendant de nombreuses années avant 2015, à augmenter ses revenus en faisant appel à d’autres sources de financement que celle que représente le MRIF.