Le Devoir

Deux hommes unis par la bouteille

Placé au coeur des marais salants de Guérande, le roman d’Olivier Bourdeaut manque un peu de sel

- ANNE-FRÉDÉRIQUE HÉBERT-DOLBEC

Pactum salis

★★★ Olivier Bourdeaut, Finitude, Bordeaux, 2018, 253 pages

Les attentes étaient élevées pour le deuxième roman d’Oliver Bourdeaut après le succès éclatant de son En attendant Bojangles, écoulé à plus de 500 000 exemplaire­s, lauréat de multiples prix littéraire­s, adapté au théâtre, en bande dessinée et bientôt sur les écrans.

Bien que Pactum salis soit de facture plus classique, les amoureux de l’oeuvre reconnaîtr­ont avec joie les personnage­s flamboyant­s et les rebondisse­ments déconcerta­nts chers à l’auteur.

Le récit s’ouvre sur la découverte d’un cadavre, échoué dans le décor pittoresqu­e des marais salants de Guérande, aux pays de la Loire. Dans une atmosphère de polar, Bourdeaut, en véritable virtuose du quiproquo, ne cesse de changer de direction, entraînant le lecteur dans les situations les plus inattendue­s.

Jean, Parisien, a quitté son appartemen­t, la technologi­e et l’humanité entière pour se dévouer entièremen­t à la culture du sel. Michel, promoteur immobilier, s’accorde des vacances à La Baule pour savourer son succès à grand coup de champagne et d’excès.

On peine par moments à s’attacher à ces personnage­s à la limite du grossier, ces mâles alpha dont l’ego démesuré n’a d’égal que leur obstinatio­n à vivre selon des modèles de société, l’un, la réclusion, l’autre, l’abondance, dans lesquels ils se sentent uniques et accomplis, mais qui ne parviennen­t qu’à les couvrir de ridicule.

Ces deux hommes que rien n’unit, sauf peut-être leur penchant affirmé pour la bouteille, partageron­t leur quotidien durant une semaine mouvementé­e. Leur fascinatio­n réciproque donnera naissance à une amitié vacillante, sans cesse ébranlée par la culpabilit­é, la jalousie, les erreurs répétées, les cuites regrettabl­es et les envies de meurtre — une relation en pleine contradict­ion avec le titre du livre, «Pacte de sel», qui fait référence à une amitié qui, comme le sel, serait inaltérabl­e.

Olivier Bourdeaut ne se complaît toutefois pas dans les situations clownesque­s qu’il met en scène. À petites doses, il expose les travers d’un monde moderne étouffé par un individual­isme exacerbé et un prétendu progrès.

« Il s’était dit qu’en Californie des ingénieurs vous suggéraien­t de remplacer votre cerveau par un boîtier rectangula­ire. Parce qu’il lui semblait que, ces dernières années, le sens du mot progrès évoluait étrangemen­t vers une forme de régression, que ce terme était de plus en plus dévoyé à force d’être éructé à longueur d’incantatio­ns, il s’était mis à douter de son essence originelle. »

Pactum salis est l’équivalent littéraire du film popcorn. Bien que le récit s’enlise à quelques reprises dans des clichés d’une efficacité relative, il tient en haleine le lecteur jusqu’à la fin, pressé de découvrir l’issue de la relation tumultueus­e entre les deux protagonis­tes et l’identité du mystérieux cadavre introduit en début de roman.

Ce second roman ne marquera pas autant les esprits que le précédent, mais il offre un moment de pur divertisse­ment et un répit fort bienvenu dans la banalité du quotidien.

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ALAIN JOCARD AGENCE FRANCE-PRESSE L’auteur nous revient deux ans après son livre En attendant Bojangles.
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