La bienveillance des robots
Le monde du tourisme mise sur les assistants virtuels pour aplanir les petites difficultés du voyage
Les gens qui voyagent beaucoup veulent des services simples et personnalisés. C’est bien là la raison pour laquelle Paul English, cofondateur du comparateur de vol Kayak, a lancé Lola en 2015. Lola est une application qui met en relation agents de voyages et voyageurs avant, pendant et peut-être même après le voyage. Lola permet de réserver une chambre d’hôtel et un billet d’avion. Jusque-là, rien de bien nouveau, mais avec Lola, on peut aussi poser des questions auxquelles répondent des agents par messagerie instantanée et par téléphone, et ce, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. De plus, il y a de bonnes chances que les agents avec qui l’on échange soient toujours de bonne humeur puisque l’entreprise mise sur leur bien-être grâce entre autres à des vacances illimitées, à des horaires de travail flexibles, de même qu’à un bar à smoothies et à un garde-manger santé dans ses bureaux de Boston…
Bien sûr, le cerveau de Lola sera rempli d’une intelligence tout artificielle, mais son créateur a déjà affirmé lors d’une présentation en mai dernier à Amsterdam: «L’intelligence artificielle a de la valeur lorsqu’un agent est absent et pour répondre à des questions simples. Mais il n’y a rien de plus agaçant qu’un chatbot qui ne répond pas.» Donc, Lola mise d’abord sur le contact humain, mais n’hésite pas à utiliser l’intelligence artificielle pour recueillir des données et développer progressivement un profil personnalisé de chacun de ses clients.
L’indispensable agent conversationnel
Depuis quelques mois, agences de voyages en ligne, hôtels et compagnies aériennes se sont entichés des
chatbots, ces agents conversationnels automatisés conçus pour échanger avec les internautes qui ont fait leur apparition sur Facebook Messenger en 2016. Les chatbots sont évidemment disponibles 24 heures sur 24 et les clients peuvent avoir accès à leurs services par l’intermédiaire d’une messagerie, de sites Internet ou encore par les applications des entreprises.
Le chatbot d’Expedia pourra, au fil du temps, présenter aux clients des hôtels qui répondent à leurs demandes tout en les redirigeant vers les pages Expedia correspondantes. Du côté de TripAdvisor, on fonctionne de la même façon, mais l’entreprise compte sur sa très vaste base de données enrichie chaque jour des milliers d’avis d’internautes pour nourrir son chatbot.
Booking.com, site de réservation de chambres d’hôtel en ligne, n’est pas en reste avec son Booking Assistant. Ce dernier répond aux questions fréquemment posées par les clients sur des thèmes comme le paiement, les demandes d’annulation, les transports, les modifications de dates… Les demandes auxquelles le
chatbot ne peut répondre sont automatiquement transmises à l’établissement hôtelier, qui prendra la relève pour servir le client.
La ruée vers ces agents conversationnels est aussi intense du côté des compagnies aériennes, à un point tel qu’en faire une liste exhaustive devient impossible tant le phénomène se répand rapidement. On débusque tout de même quelques pionniers.
Dans le domaine, British Airways a décidé de ne pas suivre la concurrence. Son
chatbot carbure aux émojis utilisés par les internautes. Dans une démarche qualifiée par l’entreprise d’« emoji-est way to
book a holiday » — qu’on pourrait traduire par la «manière émojiesque de planifier ses vacances» —, le client répond à quelques questions à l’aide de ses émojis préférés et il a ensuite accès à une foule de destinations qui correspondront à ses goûts et à ses humeurs.
Les clients de KLM peuvent dorénavant s’adresser à un
chatbot s’ils ont perdu leurs bagages ou si un vol ne leur a pas plu. Chez Lufthansa, c’est la sympathique Mildred qui trouvera pour la clientèle les vols les moins chers au cours des mois à venir. Quant à Air France, elle mise sur Louis, disponible sur Messenger, mais aussi sur le site d’Air France. Louis pourra fournir le statut d’un bagage retardé ou encore renseigner les clients sur la franchise de bagages permise sur ses vols.
Les grandes chaînes hôtelières parient elles aussi sur les agents conversationnels, qui se transforment ici en véritables concierges virtuels. Marriott International, le groupe propriétaire des hôtels Ritz-Carlton, Sheraton, Westin et Delta, pour ne nommer que ceux-là, a développé en 2014 pour la chaîne Aloft une première génération de chatbots surnommés Botlr, une conciergerie automatisée. Aujourd’hui, Botlr évolue pour devenir le ChatBotlr à l’aide duquel les clients peuvent faire des demandes, obtenir de l’information à propos de l’hôtel ou même écouter la playlist Aloft, et ce, même si le client est à l’extérieur de l’hôtel.
Les clients du Holiday Inn d’Osaka Namba sont dorénavant accueillis par Bebot, un concierge automatisé. Bebot répond en temps réel aux demandes les plus inusitées des clients et procède aux réservations de restaurants. Quand on ne parle pas couramment japonais, cela peut devenir très utile !
La vie privée, quelle vie privée?
Le big data et ses algorithmes sont une véritable mine d’or pour le privé, et le monde du tourisme ne fait pas exception. En définitive, les
chatbots se nourrissent de données littéralement offertes en cadeau par les utilisateurs, et plus il y aura de ces données, plus l’intelligence artificielle sera efficace. Les entreprises bénéficient d’une foule d’avantages grâce à ces agents conversationnels. Elles ont dorénavant accès à de l’information autrefois difficile à récolter par les circuits traditionnels. Avec cette plateforme conviviale, il est par exemple beaucoup plus facile d’obtenir des commentaires et ainsi d’augmenter l’efficacité et, ultimement, d’économiser en coût de main-d’oeuvre. Toutefois, la machine n’a pas encore remplacé la chaleur humaine et la gentillesse d’un concierge d’hôtel.