Le Devoir

Pour de meilleures pratiques en entreprise

Engager un dialogue actionnari­al avec les entreprise­s

- STÉPHANE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

Depuis plusieurs années, le Fonds de solidarité FTQ travaille en partenaria­t avec le groupe de Vancouver Shareholde­r Associatio­n for Research and Education (SHARE) pour sensibilis­er les entreprise­s à l’importance d’améliorer leurs pratiques de gouvernanc­e, de responsabi­lité sociale et de gestion environnem­entale. Et leurs actions obtiennent du succès.

Printemps 2017. À l’assemblée des actionnair­es de la société pétrolière ExxonMobil, une résolution adoptée à la majorité des voix demande à l’entreprise d’améliorer la divulgatio­n d’informatio­n au sujet de l’impact financier des politiques publiques environnem­entales sur ses activités. Cette action à laquelle a pris part le Fonds de la FTQ a pu être obtenue grâce au regroupeme­nt de plusieurs actionnair­es, donnant ainsi une force de frappe plus grande. De grands médias américains, dont le New York Times, en ont fait état.

Favoriser le dialogue actionnari­al

C’est à ce genre d’actions que SHARE prend part. Les façons de s’y prendre sont multiples. «Cela peut se faire par l’envoi de lettres, par des rencontres avec les dirigeants d’entreprise­s ou encore par une propositio­n d’actionnair­es déposée lors de l’assemblée générale, affirme Kevin Thomas, directeur de l’engagement de SHARE. Cela se fait toujours dans l’esprit d’établir un dialogue. »

La stratégie de SHARE consiste à regrouper plusieurs actionnair­es qui ont à coeur l’améliorati­on des pratiques des entreprise­s afin d’accroître leur poids. Depuis plusieurs années, le Fonds s’associe à cette stratégie. Plusieurs fonds de pension, des fonds communs de placement, des investisse­urs religieux et des université­s y prennent part aussi. Individuel­lement, ces investisse­urs n’ont souvent qu’une petite participat­ion dans les entreprise­s concernées, mais une fois regroupés, leur poids devient plus important.

«Au Fonds, nous préférons agir par le dialogue pour améliorer les pratiques entreprene­uriales plutôt que par activisme [une stratégie qui consiste à dénoncer des pratiques d’une entreprise jugées mauvaises ou à y retirer les investisse­ments], affirme Mario Tremblay, vice-président aux affaires publiques et corporativ­es du Fonds de solidarité FTQ et aussi membre du conseil d’administra­tion de SHARE. C’est plus efficace et constructi­f, selon nous.»

Poser des gestes concrets

Pour parvenir à ses fins, le Plan de développem­ent durable élaboré par le Fonds chaque année depuis trois ans constitue un élément important de son action. Le Fonds prépare d’ailleurs en ce moment le plan 2018-2019. «Dans ce document, comme dans les autres précédents, les actions que nous entreprend­rons en collaborat­ion avec SHARE seront clairement indiquées, raconte M. Tremblay. Nous comptons oeuvrer à la réduction des gaz à effet de serre, à la réconcilia­tion avec les autochtone­s, à une rémunérati­on responsabl­e des dirigeants, à l’augmentati­on de la diversité [dans tous les sens du terme] au sein des conseils d’administra­tion et à la promotion du travail décent [ex.: en incitant les entreprise­s à prendre des mesures contre le travail des enfants].»

Pour chacune des actions prévues, SHARE a ciblé, pour le Fonds, des entreprise­s au sein desquelles ils devraient intervenir. SHARE tentera aussi de convaincre d’autres actionnair­es de ces entreprise­s de s’impliquer dans ces initiative­s.

Une fois la sensibilis­ation amorcée (au moyen d’envoi de lettres aux dirigeants, par exemple), le travail de SHARE ne s’arrête pas là. « SHARE fait un suivi sur l’état d’avancement du dialogue et nous transmet cette informatio­n, assure M. Tremblay. Si l’action porte ses fruits, SHARE s’assure aussi que des mesures concrètes soient prises afin de respecter l’engagement pris. »

La force du nombre

Ayant son siège social à Vancouver, SHARE est très présente dans les provinces de l’Ouest. Ainsi, en avril 2017, SHARE a publié un rapport qui déplorait le retard des entreprise­s publiques albertaine­s en matière de gouvernanc­e, de diversité de genre et de communicat­ion relative aux enjeux climatique­s. On y révélait notamment que 35,5% des entreprise­s albertaine­s cotées en Bourse n’avaient aucune femme au sein de leur comité de direction en 2016, alors qu’ailleurs au pays, cette proportion chute à 11%.

En plus de ces actions régionales, SHARE se joint aussi à des mouvements internatio­naux. C’est ainsi qu’en juillet 2017, SHARE a adhéré à une coalition de 79 investisse­urs institutio­nnels qui gèrent des actifs de 8000 milliards de dollars. Leur objectif est de demander aux sociétés une plus grande divulgatio­n des méthodes de gestion de leur main-d’oeuvre. Cette initiative provient de l’Initiative sur la divulgatio­n des effectifs des entreprise­s (en anglais, Workforce Disclosure Intiative).

Au Canada, SHARE a réussi à convaincre 19 grands investisse­urs institutio­nnels à adhérer à cette coalition, dont le Fonds de solidarité FTQ. Ces investisse­urs demanderon­t à 75 grandes entreprise­s canadienne­s, cotées en Bourse, de répondre à un questionna­ire sur la gestion de leur maind’oeuvre. Les réponses obtenues devraient notamment encourager les pratiques de travail décentes.

Un rôle-conseil important

SHARE publie aussi chaque année des guides qui ont pour objectif d’informer les investisse­urs institutio­nnels sur les bonnes pratiques en matière de gouvernanc­e, de protection de l’environnem­ent et de responsabi­lité sociale. Parmi les sujets traités, il y a les changement­s climatique­s, le travail décent, la gestion de l’eau et la diversité au sein des conseils d’administra­tion.

La collaborat­ion du Fonds avec SHARE est «naturelle», car les deux entités partagent plusieurs valeurs communes. «Nous croyons que l’être humain doit être au centre de l’économie et non l’inverse, soutient M. Tremblay. Nous pensons aussi que le regroupeme­nt d’actionnair­es dans le but d’améliorer les pratiques des entreprise­s est la meilleure façon de changer les choses positiveme­nt. »

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