Le Devoir

Désinvesti­r des énergies fossiles

- ETIENNE PLAMONDON EMOND Collaborat­ion spéciale

L’année 2018 a commencé avec un grand coup d’éclat en matière de désinvesti­ssement des énergies fossiles. Le 10 janvier, la Ville de New York a annoncé qu’elle se départirai­t des cinq milliards d’actifs que le fonds de retraite de ses employés municipaux avait placés dans ce secteur d’activité. Aux États-Unis, cette ville ne fait pas bande à part. Parmi les municipali­tés qui se sont engagées à s’affranchir financière­ment des énergies fossiles, on compte notamment Minneapoli­s, Oakland, Portland, Palo Alto, San Francisco et Seattle. Au total, 833 institutio­ns ont pris un tel virage à travers la planète au moment d’écrire ces lignes. Le mouvement ne cesse de prendre de l’ampleur depuis 2012, alors que les moyens de pression sur les campus des États-Unis commençaie­nt à convaincre certaines université­s, dont Stanford, de retirer leurs investisse­ments du gaz, du charbon et du pétrole. Inspirées des campagnes de désinvesti­ssement pour isoler le régime de l’apartheid en Afrique du Sud au siècle dernier, celles prenant pour cible le secteur des énergies fossiles ne suscitent plus seulement des discussion­s dans les établissem­ents d’enseigneme­nt supérieur.

Au Canada, on dénombre un peu moins d’une quarantain­e d’organisati­ons qui ont manifesté leur intention de désinvesti­r du gaz, du pétrole ou du charbon. Aucune ville canadienne ne figure pour l’instant au tableau, tandis que l’Université Laval est devenue, en février 2017, le premier établissem­ent d’enseigneme­nt supérieur du pays à retirer son fonds de dotation des énergies fossiles. «C’est un mouvement qui cible des institutio­ns qui ont des valeurs et qui sont, a priori, pour le bien commun dans la société», souligne Aurore Fauret, coordonnat­rice montréalai­se de campagne pour 350.org, un organisme non gouverneme­ntal qui constitue le fer de lance du mouvement à l’échelle de la planète. Hormis la Fondation David Suzuki et l’Associatio­n médicale canadienne, la plupart des organisati­ons qui ont désinvesti des énergies fossiles au Canada s’avèrent des organismes religieux.

Depuis plus de deux ans, 350.org demande d’ailleurs au Vatican de désinvesti­r de façon à se montrer cohérent avec les propos du pape François lors de l’encyclique du 18 juin 2015, où il soulignait que l’humanité devait remplacer les combustibl­es fossiles comme source d’énergie. Au Canada, 350.org poursuit surtout ses campagnes auprès des université­s, où Aurore Fauret se montre sûre de réaliser des gains en 2018.

Les établissem­ents financiers ciblés

« Il serait temps qu’il y ait une banque au Canada qui décide de désinvesti­r », ajoute-t-elle.

Le Mouvement Desjardins a suscité moult débats au cours des derniers mois, en raison du prêt de 145 millions de dollars que l’établissem­ent financier a accordé à l’entreprise Kinder Morgan pour son projet Trans Mountain dans l’Ouest canadien. Aurore Fauret croit que cet oléoduc va générer une mobilisati­on digne de celle observée en 2017 contre le projet Dakota Access Pipeline aux États-Unis, qui s’était accompagné­e d’un appel au désinvesti­ssement. Le message semble avoir été entendu, puisque la banque néerlandai­se ING a retiré le 21 mars 2017 sa participat­ion dans le prêt accordé au projet. D’autres établissem­ents financiers ont manifesté leur intention d’arrêter de financer des projets liés aux sables bitumineux durant les mois suivants, comme la banque BNP Paribas en octobre dernier. «Il y a une partie qui consiste en une stratégie économique, mais avant tout, c’est une stratégie politique et sociale, précise Aurore Fauret au sujet des campagnes de désinvesti­ssement. L’objectif est de retirer l’acceptabil­ité sociale des énergies fossiles et d’ouvrir la voie à une action gouverneme­ntale, parce qu’on a besoin d’une action gouverneme­ntale dans la lutte contre les changement­s climatique­s. »

« Il serait temps qu’il y ait une banque au Canada qui décide de désinvesti­r »

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