Créer des bataillons de cellules anticancer
Des implants et des biogels permettent à des cellules immunitaires de s’attaquer aux tumeurs
Depuis 2000, le cancer est la première cause de mortalité au Québec, devançant les maladies cardiovasculaires, affirme la Fondation québécoise du cancer. Le nombre de cas devrait bondir d’au moins 35% au cours des 15 prochaines années, principalement en raison du fait que la population augmente, et surtout qu’elle vieillit… Triste réalité. Mais c’est ici que s’arrêtent les mauvaises nouvelles et que commencent les bonnes: l’immunothérapie peut faire la vie dure aux tumeurs, et ce, de façon de plus en plus efficace!
L’immunothérapie, aussi parfois appelée thérapie biologique ou immuno-oncologie, consiste à renforcer ou à rétablir la capacité du système immunitaire à combattre les cellules cancéreuses, explique la Société canadienne du cancer sur son site.
Parmi les traitements d’immunothérapie, un consiste à prélever les lymphocytes T qui se trouvent dans une tumeur et qui sont en quelque sorte «spécialisés» contre cette tumeur. Dans le jargon de la recherche, ces cellules sont appelées des TIL (tumor infiltrating lymphocytes). Comme il en faut des milliards pour éradiquer une tumeur, on veille à leur multiplication en laboratoire avant de les injecter dans le sang du patient. Ces cellules anticancer se retrouvent alors partout dans l’organisme du patient, ce qui a pour effet de diluer l’intensité de l’attaque contre les tumeurs et de retarder le traitement souhaité.
Quelques scientifiques dans le monde, dont des chercheurs québécois, développent des implants et des gels qui créent un environnement sûr dans lequel les cellules «tueuses» peuvent proliférer là où il le faut, c’est-à-dire tout près des tumeurs à éradiquer.
C’est le cas de Réjean Lapointe, directeur du Laboratoire d’immuno-oncologie humaine du CRCHUM, et de Sophie Lerouge, professeure à l’École de technologie supérieure (ETS), chercheuse au CRCHUM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les biomatériaux endovasculaires. Ensemble, ils ont mis au point un biogel à base de chitosane, un matériau biodégradable extrait de la carapace des crustacés qui a comme caractéristique d’être liquide à la température de la pièce et de se gélifier à 37 °C.
«Comme il est liquide, on peut facilement y mélanger des cellules et l’injecter à proximité de la tumeur, détaille Sophie Lerouge. Une fois à l’intérieur du corps, il se transforme rapidement en gel macroporeux, permettant aux cellules en mission de survivre et de se multiplier rapidement
avant de sortir pour attaquer la tumeur voisine. Plus besoin de cultiver des milliards de cellules en laboratoire, quelques centaines de millions suffisent maintenant, car elles sont livrées là où il faut pour traiter les cancers solides, c’est-à-dire autres que le cancer du sang. »
Pour l’instant, ce biogel pouvant être administré par simple injection a donné des résultats prometteurs in vitro et sera bientôt testé in vivo sur des souris. Un des défis est que les signaux suppressifs provenant de la tumeur peuvent
empêcher les cellules anticancer de faire leur travail. Des composés pouvant bloquer ces signaux pourraient être ajoutés au gel pour augmenter son ef ficacité.
D’autres approches en immunothérapie
Mme Lerouge et M. Lapointe ne sont pas seuls à pousser les recherches en immunothérapie, relate un article de la revue américaine The Scientist paru en 2017. Par exemple, aux États-Unis, des chercheurs de l’Institut Wyss de l’Université Harvard ont mis au point un vaccin composé entre autres d’antigènes tumoraux pouvant activer les cellules anticancer résidant dans les ganglions lymphatiques.
Cette approche a comme avantage qu’elle pourrait fonctionner aussi contre les cancers du sang.
En Corée du Sud, deux chercheurs ont trouvé une solution au fait que les tumeurs secondaires qui se forment après une chirurgie se développent généralement plus rapidement et sont plus immun o su ppress ives que les tumeurs primaires. Ils ont créé un vaccin qui, une fois implanté localement sous forme d’implant au moyen d’une chirurgie, induit une puissante réaction immunitaire dans le voisinage de la tumeur. Le vaccin a réduit les tumeurs secondaires de 50 % à 70 % chez les souris testées.