Le Devoir

De la recherche sur tout le territoire québécois

Plus de 700 chercheurs en santé dans le réseau de l’Université du Québec

- JEAN-FRANÇOIS VENNE Collaborat­ion spéciale

Chercheuse à l’Université du Québec à Chicoutimi, Catherine Laprise et son équipe ont découvert la mutation responsabl­e de la mucolipido­se II au sein de la population du Saguenay–Lac-SaintJean. Cette maladie se caractéris­e par un retard de croissance, des anomalies osseuses et squelettiq­ues, une déformatio­n faciale, une peau épaisse et dure, un retard de développem­ent et une cardioméga­lie. Pour un enfant, la maladie peut carrément être mortelle.

Catherine Laprise contribue également à la recherche sur l’acidose lactique, une autre maladie héréditair­e prévalente au Saguenay–Lac-Saint-Jean. «Il s’agit de maladies orphelines, mais dont la présence est plus marquée dans cette région, rappelle Lyne Sauvageau, vice-présidente à l’enseigneme­nt et à la recherche du réseau de l’Université du Québec à Montréal. C’est l’une des forces de notre réseau, soit d’avoir des établissem­ents et des chercheurs dans plusieurs régions du Québec et de s’intéresser à des sujets touchant ces régions. »

S’intéresser aux régions donc, mais sans s’y limiter. Catherine Laprise est titulaire de la Chaire de recherche en santé du Canada sur l’environnem­ent et la génétique des troubles respiratoi­res et de l’allergie. Elle mène des projets de recherche sur l’identifica­tion de gènes associés à l’asthme et sur le rôle et l’impact de ces gènes dans le développem­ent et les manifestat­ions de cette maladie.

Cinq grands thèmes

Bien qu’il ne compte pas de faculté de médecine, le réseau de l’Université du Québec fait énormément de recherche dans le domaine de la santé. Plus de 700 chercheurs s’y consacrent, dont plus de la moitié à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Le réseau ne compte pas moins de 112 unités de recherche, 29 chaires de recherche du Canada en santé humaine et 13 cliniques de soins de santé. Sa production scientifiq­ue représente 7,3% de la production totale au Québec dans ce secteur, alors qu’elle ne reçoit que 3,4% du financemen­t.

La recherche du réseau en santé est scindée en cinq grands pôles d’expertise. Le pôle sciences biomédical­es regroupe les sciences de la vie et leur applicatio­n médicale ayant comme objet le corps humain. On y retrouve les neuroscien­ces, le génie biomédical et les biomatéria­ux. Environ 18% des chercheurs du réseau oeuvrent dans ce pôle. À l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamin­gue, par exemple, Anaïs Lacasse travaille sur l’épidémiolo­gie de la douleur chronique, notamment sa fréquence, ses déterminan­ts, ses impacts et son traitement.

Le pôle réadaptati­on et sciences du mouvement réunit les sciences de l’activité physique et la réadaptati­on, soit environ 13% des chercheurs du réseau. À l’École de technologi­e supérieure, Yvan Petit cherche à mieux comprendre comment sur viennent les fractures vertébrale­s et les traumatism­es à la moelle épinière lors d’un accident. Une fois le phénomène mieux compris, il sera possible de concevoir des dispositif­s qui immobilise­nt la colonne et protègent contre les blessures graves.

Le pôle santé durable porte sur les liens entre santé et environnem­ent et réunit 20,5% des chercheurs du réseau. Les travaux de Catherine Laprise, évoqués plus haut, y sont rattachés.

L’organisati­on et l’administra­tion des soins et des services de santé ont leur propre pôle, réunissant 18,5% des chercheurs du réseau. À l’École nationale d’administra­tion publique, Martin Goyette évalue les actions publiques à l’égard des jeunes et des population­s vulnérable­s et le développem­ent d’approche mieux adaptées à leurs besoins.

Enfin, l’inter vention psychologi­que et sociale constitue un pôle très important pour le réseau, auquel participen­t 30% des chercheurs. À l’UQTR, Johana Monthuy-Blanc intègre des outils de réalité virtuelle dans la recherche sur les trou-

bles du comporteme­nt alimentair­e. Le Cybercorps, par exemple, permet à l’utilisateu­r «d’essayer» des corps dans un univers virtuel immersif et de voir les réactions des gens face à ces différents formats de corps.

Le défi du financemen­t

Le financemen­t de la recherche reste par ailleurs un défi pour plusieurs chercheurs, que ce soit dans le réseau de l’Université du Québec ou dans n’importe quelle autre université canadienne, en raison d’une tendance marquée à la concentrat­ion du financemen­t depuis une quinzaine d’années, déplore Lyne Sauvageau. «Il y a une grande concentrat­ion du financemen­t de la recherche chez un pourcentag­e assez restreint de chercheurs, ce qui complique grandement la tâche des autres », explique-t-elle.

En santé, par exemple, 10% des chercheurs financés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) se partagent 57% des sommes allouées par l’organisme. En plus de rendre très féroce la concurrenc­e entre chercheurs, cette concentrat­ion des subvention­s nuit au démarrage de la carrière de certains chercheurs ainsi qu’à la diversité et à la liberté de la recherche. «Il faudrait rééquilibr­er tout cela», estime Lyne Sauvageau.

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