Congrès du NPD Le chef Jagmeet Singh a le Québec dans sa mire
Le parti, réuni en congrès cette fin de semaine, compte adapter son offre politique
Il a été parmi les critiques les plus acerbes de son nouveau chef, mais l’ex-député néodémocrate lavallois Alain Giguère se rallie totalement et complètement à Jagmeet Singh. Selon lui, la main tendue au Québec en fin de semaine aidera le parti à récupérer les appuis perdus dans la province lors de la prochaine élection.
«Il était temps qu’il sorte!» s’exclame M. Giguère en entretien avec Le Devoir. «Jusqu’à présent, il nous avait montré l’image, mais là, il nous a donné du contenu. Je commençais à être inquiet, mais il m’a rassuré.» M. Giguère estime que les thèmes mis en avant par le chef font en sorte «qu’on sera capable de le “vendre” à la population».
Le NPD a clôturé son congrès bisannuel à Ottawa dimanche, où s’étaient réunis un peu moins de 2000 militants, dont 207 du Québec. Le parti a profité de l’événement pour adapter son offre politique à la Belle Province. Les militants ont appuyé une résolution pour une déclaration de revenus unique qui serait gérée par Revenu Québec. Ailleurs au pays, c’est plutôt l’Agence du revenu du Canada qui perçoit les impôts puis les transfère aux gouvernements provinciaux. Le NPD devient la seule formation politique fédérale à appuyer cette idée et se fait ainsi l’écho de la Coalition avenir Québec et du Parti québécois.
La question constitutionnelle
L’autre résolution destinée au Québec indique que le rapatriement de la Constitution canadienne sans l’accord du Québec fut une «erreur historique». Par cette résolution, le NPD se fit favorable à «tout effort sérieux visant à reconnaître le caractère national du Québec et à assurer son adhésion au cadre constitutionnel canadien ».
Le député Alexandre Boulerice estime que ces prises de position étaient nécessaires. «Ça va changer quelque chose. C’était un des diagnostics posés après 2015, qu’il manquait une offre spécifique au Québec. Je pense qu’on s’est donné des outils en fin de semaine pour être capables de retourner voir les électeurs québécois», explique-t-il. Militer pour les garderies, c’est bien, concède M. Boulerice, mais « comme le réseau des CPE existe déjà, c’était plus difficile de faire comprendre l’avantage de voter pour le NPD ». Le NPD a fait élire 16 députés au Québec en 2015, contre 59 quatre ans auparavant.
L’ancien député du Nouveau-Brunswick Yvon Godin ne croit pas qu’un tel positionnement rebutera les électeurs ailleurs au Canada. «Le chef ouvre la porte au Québec, et c’est bien parce que le NPD ne peut pas gagner sans le Québec. Moi, je n’ai pas peur de ça », affirme M. Godin. Il prédit que les autres provinces ne regimberont pas à l’idée que le Québec perçoive les impôts fédéraux, pas plus qu’elles ne l’ont fait lorsque Ottawa a accordé à la province la maîtrise d’oeuvre en matière d’immigration. Et la question constitutionnelle? «Le chef dit juste qu’il faut que le Québec fasse partie de la Constitution. »
Netflix et justice sociale
Le congrès a évité tous les débats houleux en ne priorisant pas les résolutions les plus controversées. Les militants ne se sont donc pas prononcés sur la pertinence de demander à la Banque du Canada d’imprimer de l’argent pour financer sans intérêt les projets d’infrastructures. Ils n’ont pas eu l’occasion de condamner l’oléoduc Trans Mountain, ce qui aurait opposé les militants d’Alberta à ceux de Colombie-Britannique. Quant aux résolutions condamnant les actions d’Israël à l’égard des Palestiniens, elles sont toutes passées à la trappe. Certains militants ont d’ailleurs fait savoir leur mécontentement à ce sujet en retardant les débats samedi soir.
Jagmeet Singh, qui devait se soumettre à un vote de confiance, a récolté 90,7% d’appuis samedi, résultat s’inscrivant dans la tradition du parti. Avant la déconfiture de Thomas Mulcair en 2016 (48%), le pire score d’un chef néodémocrate avait été de 84%, obtenu en 2001 par Alexa McDonough. Jack Layton avait obtenu 92% puis 97,9% pendant son mandat. M. Mulcair avait récolté 92,3 % en 2013.
M. Singh a indiqué en fin de semaine qu’il militerait pour l’imposition des taxes de vente aux géants du Web, notamment Netflix. Le sujet pourrait créer quelques frictions au sein de la famille néodémocrate. Samedi, la chef ontarienne, Andrea Horwath, n’a pas voulu appuyer l’idée. «Il revient aux partis fédéraux de décider d’aller ou non dans cette direction, mais je sais aussi qu’en Ontario, nous nous inquiétons de la capacité des gens de joindre les deux bouts», a-t-elle déclaré.
Alexandre Boulerice reconnaît que la «taxe Netflix» pourrait être plus difficile à vendre ailleurs au pays. «Est-ce que c’est quelque chose qui sera aussi populaire au Canada anglais ? Peut-être moins. […] À mes amis ontariens, je vais dire “C’est à votre tour de vendre ça, là”. »