Le Devoir

PYEONGCHAN­G 2018

Le biathlonie­n français a écrit l’histoire dimanche en l’emportant par le gros orteil

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Alex Beaulieu-Marchand a réalisé la descente de sa vie dimanche, permettant ainsi au Canada d’ajouter une médaille à sa récolte olympique. Le skieur acrobatiqu­e de Québec a remporté la médaille de bronze à l’épreuve de slopestyle.

L e biathlonie­n Martin Fourcade est entré dimanche dans l’histoire de l’olympisme français par le gros orteil, devançant son adversaire allemand d’extrême justesse au terme d’un sprint endiablé.

La quatrième médaille d’or olympique de sa carrière acquise au 15km en départ groupé fait maintenant de lui le Français le plus titré des Jeux olympiques d’hiver. Une occasion idéale de mettre un instant en veilleuse notre chauvinism­e olympique pour reconnaîtr­e que ce cousin Fourcade, c’est un sacré athlète.

Parce que, disons-le franchemen­t, tous les champions sont des champions, mais certains épatent plus que d’autres. Pour gagner le 100 mètres, il faut courir le plus vite possible, et remporter l’épreuve du javelot se résume à lancer ce drôle de piquet le plus loin possible.

Le biathlon, c’est un peu plus complexe. Pour briller, il faut être un as du ski de fond, sans doute l’un des sports les plus exigeants physiqueme­nt, et maîtriser le tir à la carabine, ce qui n’est pas exactement un exercice facile après avoir avalé des kilomètres à pleine vitesse en pas de patin.

Les biathlètes doivent atteindre des cibles situées à une distance de 50 mètres, dont le diamètre est de 45 millimètre­s lorsqu’ils sont couchés au sol et de 115 millimètre­s quand ils restent debout. L’équivalent de viser une clémentine et un petit pamplemous­se sur la largeur d’un terrain de soccer.

Quand on sait à quel point le biathlon peut se gagner et se perdre par un millième de seconde ou un tir hors cible, comme ce fut le cas dimanche, on comprend donc mieux pourquoi Martin Fourcade est hors normes : six fois médaillé olympique, onze fois victorieux en Championna­ts du monde et premier au classement cumulatif de la Coupe du monde au cours des sept dernières années.

Ce Français de 29 ans «a fait perdre au tir son aspect aléatoire», affirmait au quotidien Le Monde l’un de ses entraîneur­s, peu de temps avant les Jeux. «Avec lui, c’est quasiment une science exacte», disait-il, pour donner une idée du génie de son poulain.

Inutile de dire que cette étoile du sport français s’est présentée à Pyeongchan­g avec de grandes attentes et le poids de tout l’Hexagone sur ses épaules.

On pourrait croire que sa victoire de dimanche a été accueillie comme la consécrati­on d’un grand champion, mais les médias français l’ont surtout interprété­e comme un baume sur une semaine relativeme­nt difficile. Le gagnant du 12,5km poursuite était arrivé huitième au 10km sprint et cinquième au 20km, ce qui avait semé certains doutes sur sa capacité à réécrire le livre des records, comme tous ses compatriot­es l’espéraient.

Encore dimanche, il a commis des erreurs inhabituel­les pour lui. Il a raté un tir en début d’épreuve, avant de chuter en percutant une borne située en bordure de piste. Puis en fin de course, il n’est pas parvenu à faire tomber toutes les cibles, ce qui lui aurait assuré la victoire. Son impair l’a obligé à se lancer dans la dernière boucle de ski de fond en compagnie de l’Allemand Simon Schempp, champion du monde en titre de la distance, qui l’a chauffé jusqu’à la toute fin.

Après avoir franchi la ligne d’arrivée en étirant la jambe, Fourcade a d’abord cru qu’il venait de s’incliner, comme à Sotchi lors de la même épreuve. Il en a finalement fait juste assez pour l’emporter.

Alors, comment se sent-on lorsqu’on vient de gagner un quatrième titre olympique et d’inscrire son nom dans le livre des records? Pas si différent d’avant, à en croire la réaction du champion en conférence de presse.

«Savoir que j’entre dans l’histoire n’est pas quelque chose qui me motive, a lancé Fourcade. Si j’étais norvégien, je ne serais pas le plus grand [champion olympique] de l’histoire», a-t-il ajouté, en pensant sans doute aux huit médailles d’or du grand Ole Einar Bjørndalen.

On se serait attendu à une plus grande démonstrat­ion de joie de la part d’un biathlonie­n qui est devenu dimanche l’un des plus grands sportifs de son époque. C’est sans doute ça, le calme olympien.

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LOÏC VENANCE AGENCE FRANCE-PRESSE
 ?? FRANÇOIS-XAVIER MARIT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? La quatrième médaille d’or olympique de sa carrière acquise au 15km en départ groupé fait maintenant de Fourcade le Français le plus titré des Jeux olympiques d’hiver.
FRANÇOIS-XAVIER MARIT AGENCE FRANCE-PRESSE La quatrième médaille d’or olympique de sa carrière acquise au 15km en départ groupé fait maintenant de Fourcade le Français le plus titré des Jeux olympiques d’hiver.
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