Le Devoir

Un homme sénégalais poursuit une congrégati­on québécoise

- GIUSEPPE VALIANTE

Un Sénégalais a intenté une poursuite judiciaire contre une congrégati­on catholique établie au Québec, lui réclamant 1,4 million de dollars pour des agressions sexuelles dont il aurait été victime dans les années 1980 dans ce pays africain.

Des experts juridiques consultés par La Presse canadienne disent ne pas avoir eu connaissan­ce d’un autre cas d’une organisati­on religieuse installée au Canada faisant l’objet d’une poursuite devant les tribunaux pour des gestes commis par ses membres dans un autre pays.

L’avocat du plaignant, Max Silverman, a dit que la congrégati­on avait l’intention de contester la compétence de la Cour du Québec pour régler ce dossier. La cause doit être entendue l’automne prochain.

Selon le plaignant, désigné dans les documents juridiques sous les initiales NBS, un membre des Frères du Sacré-Coeur, aujourd’hui décédé, l’aurait agressé sexuelleme­nt de 1984 à 1987, dans une école de la congrégati­on à Kaolack, au Sénégal.

L’équipe juridique de la congrégati­on n’a pas rappelé La Presse canadienne.

Méfaits répétés

La cause défendue par Me Silverman n’est pas la seule impliquant les Frères du SacréCoeur. En novembre, la Cour supérieure du Québec a autorisé une action collective de 15 millions de dollars contre la congrégati­on. Au moins 18 religieux sont accusés d’avoir agressé des élèves au Collège Mont-SacréCoeur, à Granby. Les événements se seraient déroulés pendant plusieurs décennies.

NBS soutient que Marcel Courteau a commencé à l’agresser alors qu’il n’était âgé que de 12 ans. Le religieux est mort en 2017 à l’âge de 92 ans.

Dans un premier temps, raconte le plaignant, Courteau l’aurait caressé en lui disant qu’il était joli.

«Au cours des deux années qui ont suivi, Frère Courteau a commis des gestes inappropri­és contre le plaignant. Tous constituai­ent des agressions sexuelles et des abus», peut-on lire dans les documents remis à la cour.

NBS vit au Sénégal. Il a demandé l’anonymat, car il craint pour sa vie si des compatriot­es apprenaien­t qu’il a été agressé, a dit Me Silverman.

«Il existe au Sénégal une véritable culture d’homophobie, au point qu’un jeune homme est considéré comme un homosexuel et que sa vie est en danger s’il a été victime d’une agression d’un autre homme, même si cela n’est pas de sa faute », a souligné l’avocat.

Le plaignant impute aux Frères du Sacré-Coeur d’être responsabl­es des actes reprochés à Courteau, car celui-ci était le directeur de l’école.

«Le défenseur […] a été sérieuseme­nt négligent et a failli à trouver une solution à une situation qu’il connaissai­t ou aurait dû connaître. Cela a aggravé les souffrance­s du plaignant», at-on écrit dans la demande judiciaire.

À l’extérieur du territoire

L’article 3135 du Code civil du Québec stipule qu’une «autorité du Québec peut, exceptionn­ellement et à la demande d’une partie, décliner cette compétence si elle estime que les autorités d’un autre État sont mieux à même de trancher le litige ».

Selon l’avocat torontois James Yap, qui n’est pas impliqué dans cette affaire, cet article a souvent été un obstacle à des poursuites judiciaire­s contre des entreprise­s oeuvrant à l’extérieur du pays. «Les cours du Québec ont été particuliè­rement réticentes à entendre ce genre de cause », a-t-il soutenu.

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