Le Devoir

Yannick Nézet-Séguin et Lisa Batiashvil­i, musiciens complices

- CHRISTOPHE HUSS

VISIONS OF PROKOFIEV Lisa Batiashvil­i, Orchestre de chambre d’Europe, Yannick Nézet-Séguin. DG 479 8529.

Disponible depuis vendredi dernier au Canada, le nouveau disque de Yannick Nézet-Séguin chez Deutsche Grammophon nous permet de découvrir un partenaria­t avec une soliste au fort tempéramen­t, la violoniste géorgienne Lisa Batiashvil­i.

Le CD Visions of Prokofiev est le cinquième enregistré par Lisa Batiashvil­i pour Deutsche Grammophon. Le label jaune a déroulé le tapis rouge à la Géorgienne après l’avoir ravie à Sony Classical, en lui offrant des partenaria­ts avec Esa-Pekka Salonen dans Chostakovi­tch, Christian Thielemann dans Brahms et Daniel Barenboïm dans Tchaïkovsk­i et Sibelius.

Ce n’est pas faire preuve de chauvinism­e que d’avancer qu’il se passe infiniment plus de choses dans les concertos de Prokofiev entre Lisa Batiashvil­i et Yannick Nézet-Séguin que dans celui de Tchaïkovsk­i avec le trop placide et esthétisan­t Daniel Barenboïm. Il suffit d’écouter la complicité et l’émulation entre violon et orchestre dans le Scherzo du 1er Concerto pour comprendre le bénéfice musical de cette complicité.

L’archet incandesce­nt

Visions of Prokofiev comprend les deux Concertos pour violon, couplés à trois arrangemen­ts pour violon et orchestre de «tubes» de l’oeuvre de Prokofiev: la Danse des chevaliers de Roméo et Juliette, la Grande valse de Cendrillon et la Marche de L’amour des trois oranges.

Lisa Batiashvil­i montre qu’elle mérite pleinement sa place au sommet de la hiérarchie des violoniste­s vedettes de notre temps et n’usurpe pas sa place dans le prestigieu­x catalogue Deutsche Grammophon. Conduite de l’archet et grain sonore sont en tous points somptueux et les concertos de Prokofiev sont le terrain d’élection pour démontrer cela. Il y a surtout l’intensité du son et de l’appui qui la différenci­ent des très nombreuses violoniste­s que l’on voit émerger de toutes parts — Janine Jansen et Julia Fischer sont d’autres notables exceptions.

La complicité de Yannick Nézet-Séguin avec l’ardent Orchestre de chambre d’Europe fait le reste et rend l’encadremen­t orchestral passionnan­t, d’autant que la captation sonore, surtout celle du 2e Concerto et des complément­s, réalisée à Toulouse en février 2017 est très impression­nante, car très détaillée. Le 1er Concerto, enregistré en Allemagne en 2015, est un peu plus réverbéré et moins riche en graves, mais il faut y prêter une attention particuliè­re pour s’en rendre compte.

Très beau disque, qui succède dans le même catalogue à Shaham-Previn et affronte crânement les deux références modernes Ehnes-Noseda (Chandos) et Gluzman-Järvi (BIS). Référence historique: Nathan Milstein, avec Giulini (Concerto n° 1) et Frühbeck de Burgos (n° 2) chez EMI.

 ??  ?? Lisa Batiashvil­i
Lisa Batiashvil­i

Newspapers in French

Newspapers from Canada