Le Devoir

De « tête découverte » à « visage découvert »

Un obstacle de moins à la présence de candidats des minorités culturelle­s

- LISA-MARIE GERVAIS Avec La Presse canadienne

Les personnes portant un voile, un turban ou tout autre couvre-chef pourront désormais se présenter aux élections. La propositio­n du Directeur général des élections, qui voulait modifier le règlement pour autoriser les photos montrant un «visage découvert», a été approuvé mardi à la Commission des institutio­ns de l’Assemblée nationale. L’ancien règlement sur la déclaratio­n de candidatur­e exigeait une photo «tête découverte», ce qui était jugé discrimina­toire par certains partis, dont le Parti vert et Québec solidaire. Désormais, on acceptera une photo présentant une «vue de face complète du candidat à partir des épaules», selon ce qui a été entériné. La burka et le niqab demeurent toujours interdits.

Des personnes ayant été jusqu’ici brimées par ce règlement se réjouissen­t de ce changement de cap. « C’est une immense satisfacti­on », a dit Eve Torres, de LaVOIEdesf­emmes, un organisme qui encourage la participat­ion citoyenne des femmes issues des minorités. «Quand tu veux t’impliquer et que chaque fois tu dois faire face à des obstacles, c’est difficile. Ça vient corriger un déséquilib­re et ça permet à tout le monde de se présenter. »

Pour elle, ce règlement unique au Québec — les paliers fédéral et municipal permettent aux candidats de porter un couvre-chef — était un obstacle majeur. «C’est comme si on avait une citoyennet­é à deux vitesses », a-t-elle ajouté.

La canado-sénégalais­e Fatimata Sow, qui se fait appeler Kowry Sow, s’est également réjouie de cette nouvelle. «Je suis vraiment contente. C’est une bonne chose pour toute personne voulant se présenter en politique», a-t-elle dit. Elle-même n’avait pas pu se présenter comme candidate du Parti vert aux élections de 2014 dans La Pinière parce qu’elle portait un hijab.

Même si elle dit avoir été «très déçue» à l’époque, elle n’avait pas voulu mener la bataille publiqueme­nt. «Je ne voulais pas d’attention ni de drame autour de ça. Et je ne croyais pas que les choses allaient réellement changer». Il n’en demeure pas moins que le règlement était discrimina­toire, selon elle. « Pas seulement envers les femmes musulmanes […] mais envers tous ceux qui voulaient se présenter et qui ne le pouvaient pas. Pourquoi empêcher quelqu’un qui porte un foulard sur la tête de faire ce qu’il a envie de faire ? »

Réactions des partis

Le règlement a fait l’objet de discussion­s menant à des amendement­s, qui ont été finalement rejetés. La députée du Parti québécois Agnès Maltais suggérait d’ajouter une mention pour préciser que le visage devait être entièremen­t découvert et clairement visible. Le député de la Coalition avenir Québec Simon Jolin-Barrette a quant à lui voulu savoir si «visage découvert», signifiait la racine des cheveux et si une photo d’une personne portant une prothèse au visage pouvait être acceptée. Il a également demandé au DGEQ, Pierre Reid, si la modificati­on répondait à la demande d’accommodem­ent raisonnabl­e déposée en décembre dernier. La préoccupat­ion remonte aux élections de 2014, a répondu M. Reid. « Je reviens sur l’objectif et j’insiste: un, il faut identifier la personne et deux, il s’agit de faire en sorte que toute personne souhaitant se porter candidat ou candidate aux élections puisse le faire. »

Répondant à une question en anglais, le premier ministre, Philippe Couillard, a affirmé qu’il appartient aux électeurs de faire un choix. «Ne soyons pas paternalis­tes envers les citoyens en décidant pour eux qui devrait être élu», a-t-il ajouté. Pour la députée solidaire Manon Massé, le règlement du DGEQ «arrive au XXIe siècle». «Ça permet à tout le monde d’avoir accès à ce qui nous apparaît évident à Québec solidaire, c’est-à-dire que lorsque tu es éligible et que tu es un citoyen et que tu veux pouvoir te présenter à la face de tes électeurs pour voir s’ils te veulent comme député, eh bien, à partir de maintenant, c’est possible», a-t-elle dit. Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a réagi mardi en disant qu’il est peu probable qu’un candidat vêtu d’un signe religieux porte les couleurs de son parti aux prochaines élections.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Eve Torres estime que le Directeur général des élections du Québec vient de corriger un déséquilib­re.

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