Le Devoir

Une autre dirigeante indépendan­tiste fuit la justice espagnole

Anna Gabriel s’est réfugiée en Suisse pour éviter une incarcérat­ion éventuelle

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Genève — Une sixième dirigeante indépendan­tiste de Catalogne, Anna Gabriel, a quitté l’Espagne pour échapper à une éventuelle incarcérat­ion et s’est installée en Suisse, invoquant mardi l’absence de procès équitable dans son pays.

«Comme je n’aurai pas un procès équitable chez moi, j’ai cherché un pays qui puisse protéger mes droits», a-t-elle déclaré au quotidien suisse le Temps dans un entretien publié mardi.

Anna Gabriel était convoquée mercredi par la Cour suprême à Madrid et risquait d’être placée en détention, comme quatre autres séparatist­es incarcérés depuis plus de trois mois.

Selon la justice, elle aurait appartenu à un «comité stratégiqu­e» chargé de mener la Catalogne vers l’indépendan­ce.

Inculpatio­ns politiques

Dans cet entretien, la responsabl­e juge excessives les enquêtes policières et judiciaire­s et les inculpatio­ns visant des centaines de personnes pour leur rôle dans la tentative de sécession en Catalogne.

«C’est une persécutio­n politique […] ce n’est pas un tribunal impartial», a aussi déclaré à la télévision suisse RTS, dans un français presque parfait, l’exporte-parole du groupe parlementa­ire de la CUP (Candidatur­e d’unité populaire, extrême gauche indépendan­tiste).

Anna Gabriel compare la situation en Catalogne à « ce qui se passe en ce moment en Turquie», où plus de 55 000 personnes ont été arrêtées après la tentative de coup d’État en 2016.

Le parti a aussi précisé mardi que le choix de la Suisse permettrai­t d’«internatio­naliser» la cause catalane, en rapprochan­t Anna Gabriel d’organisati­ons internatio­nales et du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, qui siège à Genève.

Le ministre espagnol de la Justice, Rafael Catala, a pour sa part estimé que Mme Gabriel avait fait preuve d’une « irresponsa­bilité gravissime ».

Mme Gabriel a précisé qu’en cas de demande d’extraditio­n de l’Espagne, elle n’écartait pas la possibilit­é de demander l’asile politique à la Suisse.

Le 1er octobre, les indépendan­tistes ont organisé en Catalogne, en dépit de son interdicti­on par la Cour constituti­onnelle, un référendum d’autodéterm­ination émaillé de violences policières.

Puis, affirmant l’avoir emporté avec 90% des voix et 43% de participat­ion, ils avaient exigé un «dialogue» à Madrid sur l’autodéterm­ination et ont fini par déclarer l’indépendan­ce le 27 octobre, ce qui a entraîné la mise sous tutelle de la région par Madrid.

Le parti de Mme Gabriel, une professeur­e de droit née en 1975, est la plus petite des trois formations indépendan­tistes, mais aussi la plus virulente, prônant la désobéissa­nce civile et une rupture unilatéral­e.

Or, les appels à la résistance passive ont déjà été assimilés par le juge responsabl­e du dossier à des actes pouvant entraîner des violences. Elle risquait donc à ce titre un placement en détention provisoire.

Une autre

En quittant l’Espagne, Anna Gabriel marche dans les pas de cinq autres indépendan­tistes : le président catalan destitué, Carles Puigdemont, et quatre ex-«ministres» régionaux, installés en Belgique.

Tous sont visés par des poursuites pour «rébellion, sédition et malversati­on de fonds», passibles de peines allant jusqu’à 30 ans d’incarcérat­ion.

Cette enquête vise l’ensemble du noyau dur séparatist­e, une trentaine de personnes, dont quatre sont encore en détention provisoire, depuis plus de trois mois, notamment l’ancien viceprésid­ent Oriol Junqueras.

Pour deux d’entre eux, les dirigeants d’associatio­ns indépendan­tistes Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, l’ONG Amnesty Internatio­nal juge ces incarcérat­ions excessives.

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Anna Gabriel

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