Le Devoir

Le système échoue à protéger les femmes autochtone­s les plus vulnérable­s

- LISA-MARIE GERVAIS

«La dernière chose que les familles autochtone­s veulent faire, c’est aller demander de l’aide à la police pour leurs recherches.» C’est ce qu’a déclaré devant la commission Viens Jessica Quijano, coordonnat­rice du Projet Iskweu qui soutient les femmes disparues ou assassinée­s et leurs proches, soulignant l’échec du «système» à protéger les autochtone­s les plus vulnérable­s.

Le phénomène est encore méconnu à Montréal, mais il existe. Ces derniers mois, 14 femmes portées disparues ont été retrouvées par le Projet Iskweu, dont deux ont été découverte­s mortes. Formée comme travailleu­se de rue, Jessica Quijano dit avoir elle-même retrouvé ces femmes, en faisant sa propre enquête dans les bars et leurs lieux de fréquentat­ion. «Plein de familles m’appellent parce qu’elles ne veulent pas passer par la police. La confiance n’est pas là», a-t-elle dit.

Mijoté depuis 2015 par le Foyer pour femmes autochtone­s mais officielle­ment mis en branle il y a quelques mois, le Projet Iskweu soutient donc les femmes autochtone­s itinérante­s ou aux prises avec des problèmes de santé mentale, de dépendance aux drogues et à l’alcool ou impliquées dans le travail du sexe, c’est-à-dire celles qui sont plus susceptibl­es d’être assassinée­s ou portées disparues. Il est le seul au Canada qui a la collaborat­ion de la police, l’appui de la communauté et du financemen­t du fédéral et du municipal, souligne Nakuset, qui dirige le Foyer des femmes autochtone­s. Et, malgré tout, «il y a de la résistance de la police», a-t-elle déploré.

Une résistance, mais surtout des problèmes dans l’approche des policiers. Jessica Quijano dit avoir vu des policiers s’adresser uniquement en français à des femmes qui le comprennen­t mal ou encore prononcer des commentair­es désobligea­nts et discrimina­toires. Selon elle, les disparitio­ns des femmes autochtone­s ne sont pas prises au sérieux, les enquêtes sont parfois bâclées. «C’est très dommage qu’on ait dû parfois aller vers les médias pour rouvrir des cas.» Mme Quijano a toutefois cité une expérience positive, où l’agent de police en a fait plus qu’il devait pour retrouver une femme qui disait avoir été kidnappée. «Ça a sauvé la vie de cette personne », a-t-elle reconnu.

Des recommanda­tions

Mme Quijano demande que les policiers soient plus sensibles à la réalité des femmes autochtone­s. «Les femmes ne veulent pas aller à la police car elles sont criminalis­ées au quotidien.» Après une agression, certaines n’ont même pas droit à un intervenan­t qui parle leur langue lors du dépôt d’une plainte. Les délais sont longs, les témoignage­s se font souvent des jours plus tard et les femmes doivent se rendre jusqu’à la Place Versailles. «Ce n’est pas réaliste», a dit Mme Quijano. «Certaines femmes abandonnen­t [le processus] et je ne les blâme pas.» L’intervenan­te a également plaidé pour qu’il y ait plus d’endroits sécuritair­es, où ces femmes pourraient se réfugier 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qu’elles soient intoxiquée­s ou non.

Le SPVM n’a pas mené de contre-interrogat­oire, mais son avocat a brièvement présenté et déposé une évaluation témoignant de la satisfacti­on des policiers du SPVM à l’endroit d’une formation de sensibilis­ation donnée par un expert de la nation Huron-Wendat.

En ouverture, des représenta­ntes du Réseau pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone à Montréal ont exposé les difficulté­s des autochtone­s à se faire traiter avec respect par le système de santé et des services sociaux et de la protection de la jeunesse.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Vicky Boldo, du Réseau pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone à Montréal, et Nakuset, qui dirige le Foyer des femmes autochtone­s.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Vicky Boldo, du Réseau pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone à Montréal, et Nakuset, qui dirige le Foyer des femmes autochtone­s.

Newspapers in French

Newspapers from Canada