Le Devoir

Les âneries

- mdavid@ledevoir.com MICHEL DAVID

Le PQ n’avait pas l’habitude de lancer des fleurs au «père de l’assurance maladie», Claude Castonguay, dont il n’a jamais apprécié le plaidoyer en faveur d’une plus grande place au secteur privé dans le domaine de la santé ni les conviction­s fédéralist­es.

Mardi, la députée de Taillon, Diane Lamarre, a cependant présenté à l’Assemblée nationale une motion, dont le gouverneme­nt Couillard a refusé de débattre, qui le félicitait pour sa contributi­on au système public de santé, mais surtout pour souligner le «sentiment de révolte» que lui a inspiré la récente entente avec les médecins spécialist­es et son appel à un nouveau « contrat social ».

Il aurait sans doute été jugé antiparlem­entaire de faire référence aux «âneries» que M. Castonguay n’aurait jamais cru entendre de la bouche du premier ministre, notamment quand ce dernier a soutenu que l’entente peut faire épargner plus de 3 milliards aux Québécois, mais l’entrevue que l’ancien ministre de Robert Bourassa a accordée lundi soir au

24/60 a été une douce musique aux oreilles des partis d’opposition. En conclusion des Mémoires d’un révolution­naire tranquille, qu’il a publiés en 2005, M. Castonguay prônait l’indulgence envers la classe politique. «Dans l’ensemble, ils méritent notre admiration et notre reconnaiss­ance. Aussi, lorsque leurs décisions ou leur comporteme­nt m’offusquent, j’essaie de me souvenir qu’ils représente­nt la population qui les a élus», écrivait-il. Même pour un homme aussi placide, la tolérance à la bêtise a cependant ses limites.

Contrairem­ent à Québec solidaire, qui réclame à grands cris la démission de Gaétan Barrette, le PQ n’est plus du tout pressé de le voir partir. Jamais il ne retrouvera un aussi bel épouvantai­l. Les plus anciens ont dû frémir en entendant M. Couillard chanter ses louanges. Lucien Bouchard avait aussi qualifié Jean Rochon de meilleur ministre de la Santé de l’histoire du Québec tout juste avant de lui montrer la porte.

S’il est vrai que M. Barrette a été écarté des récentes négociatio­ns au profit de son collègue du Conseil du trésor, Pierre Arcand, et qu’il est notoiremen­t insatisfai­t de leurs résultats, il demeure partiellem­ent responsabl­e des avantages indus qui ont été accordés aux spécialist­es.

L’entente qu’il avait lui-même négociée en 2011, en sa qualité de président de la FMSQ, prévoyait spécifique­ment la création d’un comité paritaire qui devait suivre l’évolution de l’écart entre la rémunérati­on des spécialist­es québécois et celle de leurs confrères du reste du Canada, en prenant en compte tous les facteurs pertinents, dont le coût de la vie.

Ce comité n’a jamais vu le jour. Son prédécesse­ur à la Santé, Yves Bolduc, qui avait signé l’entente de 2011 au nom du gouverneme­nt, est sans doute à blâmer, mais M. Barrette a eu quatre ans pour lui donner suite et il n’en a rien fait, même si le Vérificate­ur général avait rappelé dans un rapport publié en 2015 que ce comité était indispensa­ble.

Soutenir que personne ne pouvait prévoir le coup de frein donné à la rémunérati­on des spécialist­es hors Québec, comme l’a prétendu M. Barrette, était une autre «ânerie». S’il avait fait ses devoirs, le dérapage auquel on a assisté n’aurait pas eu lieu.

Le gouverneme­nt ne retardera évidemment pas la signature de l’entente jusqu’à l’élection du 1er octobre pour laisser la population se prononcer, comme le réclament les partis d’opposition, mais on peut compter sur ces derniers pour qu’il en soit abondammen­t question durant la campagne.

Mercredi, à l’Assemblée nationale, François Legault a trouvé une façon intéressan­te de la mettre en perspectiv­e, en rappelant les propos qu’avait tenus le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, en mars 2016, quand l’Institut canadien d’informatio­n sur la santé (ICIS) avait révélé que les spécialist­es québécois touchaient depuis déjà deux ans une rémunérati­on de 15% supérieure à celle de leurs confrères ontariens.

Selon lui, le Québec n’avait tout simplement pas les moyens d’offrir à ses enseignant­s la parité avec l’Ontario. Le salaire annuel moyen d’un enseignant était plus élevé de 18 000$ dans la province voisine. «On n’a pas le même filet social au Québec. Est-ce qu’il faut revoir la rémunérati­on ? Un jour peut-être, mais actuelleme­nt, on est dans la situation que vous connaissez sur le plan budgétaire», avait-il expliqué dans une entrevue accordée au Journal de

Montréal, qui avait fait état d’une migration croissante des enseignant­s québécois vers l’Ontario.

«Les gens peuvent aller travailler à l’extérieur s’ils le souhaitent, avait ajouté le ministre. Moi, je pense qu’ils vont vouloir demeurer ici pour travailler avec nous, parce que c’est agréable de vivre au Québec.» C’est bien connu: les écoles québécoise­s sont de véritables jardins de roses pour les enseignant­s. M. Proulx aurait aussi mérité le bonnet d’âne.

Même pour un homme comme Claude Castonguay, la tolérance à la bêtise a ses limites

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