Royalmount, un cul-de-sac en perspective
Selon Le Devoir du 20 février dernier, le projet du Royalmount préoccupe toujours l’administration de Valérie Plante. Et c’est tant mieux! Car ce projet faramineux, inspiré du Quartier DIX30 à Brossard, mènera à un cul-de-sac. Brossard est une ville de banlieue et ce type de développement, carburant au tout à la voiture, n’a pas sa place au coeur de l’île montréalaise. Si Mont-Royal a déjà été une banlieue, elle ne l’est plus maintenant et elle doit en assumer la responsabilité en composant désormais avec la Ville de Montréal pour assurer dans ce secteur un développement urbain adapté aux besoins et à la réalité contemporaine.
On peut comprendre que M. Andrew Lutfy, président et chef de la direction de Carbonleo, cherche à mettre en valeur les avantages de ce projet tout en en minimisant les inconvénients: la plupart des promoteurs agissent de cette façon. Mais ce qui est important en aménagement urbain, ce sont les faits, pas les paroles en l’air.
Un des faits bien réels est que l’échangeur reliant l’autoroute Métropolitaine (40) et l’autoroute Décarie (15) s’avère l’endroit le plus congestionné de la métropole. Or, le projet Royalmount, avec son centre commercial, ses hôtels, ses deux salles de spectacle et nombreux autres attraits, se déploiera à la rencontre de ces deux autoroutes embourbées.
Le promoteur prétend, de plus, pouvoir y attirer 30 millions de visiteurs par année, soit l’équivalent de dix fois la population de la métropole! Mais, considérant que le site en question peut être relié à la station de métro De la Savane, il allègue que 40% des visiteurs utiliseront le métro pour s’y rendre. Ça, c’est de l’ordre de la fabulation: les consommateurs n’agissent pas de cette façon.
Des problèmes prévisibles
Si un certain nombre de visiteurs prendront le métro pour aller assister à des spectacles ou loger dans un hôtel, il est plus prévisible que ceux qui iront faire des achats dans ce centre commercial préféreront prendre leur voiture. Or, sans que ce promoteur s’en rendre compte, ses propos confirment que la circulation automobile augmentera considérablement avec ce projet. Car en cherchant à minimiser l’impact du Royalmount sur les commerces centraux de Montréal, il affirme qu’uniquement 15% de son chiffre d’affaires viendra de l’île de Montréal. Donc, cela veut dire que la très grande majorité des visiteurs viendront de l’extérieur de l’île. Est-ce que ces consommateurs vont se rabattre comme des soldats obéissants sur les quatre seules stations de métro existantes hors de l’île montréalaise ?
Au lieu de se laisser embarquer dans une pareille galère, l’administration de Mont-Royal a la possibilité de s’allier avec celle de la Ville de Montréal pour concevoir un projet d’aménagement urbain de loin plus réaliste, structurant et prometteur. Adjacent au site prévu pour le projet du Royalmount se trouve, situé dans la municipalité montréalaise, celui de l’ancien Hippodrome de Montréal. Se trouvant chacun dans un rayon d’un kilomètre d’une station de métro (Namur pour le site montréalais), il serait alors préférable de développer dans un ensemble cohérent deux quartiers de type TOD (transit-oriented development, à savoir axé sur le transport en commun) tel que le recommande le Plan métropolitain de développement et d’aménagement (PMAD). Il s’agirait de quartiers résidentiels de bonne densité, dotés de commerces et de services de proximité et jouissant de places et de parcs publics, développements d’autant plus nécessaires qu’il y a à Montréal une pénurie de logements pour les familles. Non seulement ce type de quartiers répondrait à des besoins criants, favoriserait la qualité de vie et le transport en commun, mais il avantagerait les commerces centraux de l’île montréalaise au lieu de leur nuire comme ce sera le cas avec le projet du Royalmount. Peut-on espérer que le bon sens l’emportera cette fois sur l’incohérence ?