Une logique pour les médecins, une autre pour les cadres
Dernièrement, le gouvernement du Québec annonçait un accord avec la Fédération des médecins spécialistes concernant leur rémunération et l’aboutissement de leur rattrapage salarial.
On estime à plus de 1,15 milliard le solde à payer à nos 10 000 médecins spécialistes. Les différents porte-parole du gouvernement nous affirment que c’est une bonne entente, qui nous permettra d’économiser à long terme et surtout d’ajouter de l’accessibilité dans le réseau de la santé pour l’ensemble des spécialités.
Mais c’est exactement le même discours que l’on nous a servi lors de la création des GMF, le même discours que lors de la création des supercliniques, le même discours que lors de la mise en oeuvre de la loi 20 ainsi que de la loi 130.
Chaque fois on a utilisé l’approche de la carotte, en investissant des sommes faramineuses pour amener les travailleurs autonomes que sont les médecins à se discipliner eux-mêmes pour offrir plus de disponibilité, avec le même résultat: pas d’amélioration importante, ni en accessibilité ni en volume d’activité.
On a aussi essayé d’utiliser le bâton, en prévoyant des pénalités pour le non-respect des cibles négociées. C’est fou comme l’histoire se répète : jamais une de ces clauses n’a été appliquée et aucune amende n’a jamais été donnée. Mais l’ensemble des augmentations promises ont été versées, sous prétexte que le gouvernement ne peut renier une entente signée.
Devant cette affirmation du ministre, force est de constater que les médecins jouissent de privilèges exceptionnels de la part du gouvernement. J’en veux pour preuve le traitement cavalier réservé aux 2500 gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux dont les postes ont été abolis en 2015.
Abolition de postes
Avec son style habituel et son empressement, le ministre a aboli des milliers de postes de cadre. Ces derniers avaient une entente négociée avec le ministère de la Santé qui prévoyait qu’advenant une abolition de postes, les cadres recevraient une compensation pouvant atteindre deux ans de salaire.
On peut être d’accord ou pas avec cette entente, mais celle-ci avait été négociée entre les deux parties et avait été obtenue sans moyens de pression, sans grève. Ce contrat signé de bonne foi entre les deux parties visait à compenser l’absence de sécurité d’emploi au sein du personnel d’encadrement du réseau de la santé.
Quoi qu’il en soit, le ministre a alors décrété, et ce sans négociation avec les associations et de manière unilatérale, que dorénavant ce ne serait qu’une année de salaire qui serait donnée aux cadres dont les postes étaient abolis.
Des associations de cadres se sont alors tournées vers le tribunal, qui a tranché en leur faveur, la cour confirmant que le ministre n’avait respecté ni les délais, ni les ententes, ni les processus de négociations prévus entre les deux parties, et qu’il devait donc reconnaître l’entente initiale.
Qu’a fait notre ministre? Il a porté la cause en appel, sachant fort bien qu’à cause des délais, aucun jugement ne serait rendu avant les prochaines élections.
En plus, il a déposé un projet de loi (160) afin de modifier et d’annuler le jugement dans cette affaire. C’est une des premières fois au Québec que le législatif est utilisé pour contraindre le judiciaire dans une affaire en cours. Un contrat est un contrat pour le docteur Barrette?
Il est clair qu’on est devant une logique gouvernementale pour le moins incohérente. Il y a une logique pour les médecins et une logique pour les autres. Comment ne pas percevoir une apparence de conflit d’intérêts entre des gens d’une même profession qui auront bientôt à retravailler ensemble ?
Donc, lorsque le gouvernement nous dit que l’on doit respecter les ententes antérieures avec les médecins puisqu’elles ont été négociées, son argument ne tient pas. Les cadres du réseau de la santé se révèlent les mal-aimés auprès des médecins, des syndicats et du ministère. Pourtant, ce sont eux qui donnent du sens aux transformations et qui accompagnent les travailleurs à travers ces nombreux bouleversements. Leur rôle est primordial dans la pérennisation du système, dans l’atteinte des cibles, dans la gestion des ressources humaines et matérielles. Ils ne méritent pas un tel traitement de la part du ministère.
Si ceux qui sont en fonction observent leur droit de réserve, nous sommes de plus en plus nombreux à sentir l’obligation d’être leur voix. Le mépris n’aura qu’un temps.