Le Devoir

La fermeture du CRILCQ divise le milieu littéraire

- CATHERINE LALONDE

La fermeture à l’Université Laval de l’ antenne du Centre inter universita­ire sur la littératur­e et la culture québécoise­s (CRILCQ), annoncée lundi, divise le milieu littéraire de Québec. D’un côté, l’université n’y voit qu’une «transforma­tion administra­tive, les unités de recherche chan[geant] constammen­t de forme pour s’adapter aux nouvelles conditions dans lesquelles elles évoluent». De l’autre, les professeur­s, chercheurs et artistes y voient un symptôme du manque de valorisati­on des lettres au sein même de l’université, et de «mauvais augures pour la recherche en général ».

La branche lavalloise de ce centre de recherche fondé en 2003 et qui rassemble une soixantain­e de professeur­s chercheurs traversait une période difficile. La direction du CRILCQ-ULaval a informé l’Université Laval le 9 février dernier que «l’état actuel des choses nous conduit à ne pas aller en évaluation par la Commission de la recherche comme nous devrions le faire au début de l’année 2019», que «rien n’indique à court terme que la viabilité du site puisse être maintenue», que «la productivi­té des membres décline» (en particulie­r en raison des difficulté­s à trouver une relève en remplaceme­nt de plusieurs membres permanents qui ont pris leur retraite) et que «le soutien financier a lui aussi drastiquem­ent diminué», a précisé Andrée-Anne Stewart, des relations médias pour l’université. «La direction du CRILCQUL aval a donc estimé que le Centre ne répondait plus au critère de viabilité de la politique (ressources humaines et financière­s). »

Le directeur du CRILCQULav­al, René Audet, assure que «les professeur­s-chercheurs de Laval pourront demeurer des membres permanents du CRILCQ (mais à travers un rattacheme­nt administra­tif à l’un des sites montréalai­s) [de l’Université de Montréal ou de l’UQAM], de sorte que leurs travaux en littératur­e et culture québécoise­s continuero­nt d’être menés à l’Université Laval, au coeur du milieu littéraire de Québec, qui est particuliè­rement dynamique ».

Le CRILCQ a pour but de monter des réseaux de recherche, ici et à l’internatio­nal; d’intégrer étudiants et jeunes chercheurs aux recherches et activités; de promouvoir les études québécoise­s. Et de vulgariser la recherche fondamenta­le, de faire des liens avec le grand public, comme il l’a fait l’an dernier avec le colloque sur Jacques Poulin. Une poétique de l’entre-deux, présenté au festival Québec en toutes lettres, à la Maison de la littératur­e.

Sur le terrain

L’abandon de certaines de ces missions semble inévitable pour les professeur­s et chercheurs de Québec interrogés par Le Devoir, sous le couvert de l’anonymat. En effet, le CRILCQ-ULaval ne peut s’avancer sur le maintien des activités et colloques. C’est «difficile à évaluer», répond M. Audet. «Les chercheurs […] peuvent être soutenus financière­ment. Cela dépendra d’eux pour une bonne part. On souhaite, pour Laval et pour la région de Québec, maintenir un taux d’animation scientifiq­ue substantie­l, car ces activités jouent un rôle important pour le milieu culturel et la formation des étudiants.» La documentat­ion — entre autres le chemin de recherche du projet La vie littéraire au Québec — devrait être conservée sur les lieux, du moins tant que ces locaux lui sont attribués.

«Il n’empêche que dorénavant, les étudiants et chercheurs désireux d’assister aux activités du CRILCQ devront se déplacer à Montréal», a indiqué une chercheuse, soulignant l’importance d’avoir des tremplins pour la recherche fondamenta­le hors métropole, et se demandant si les futurs chercheurs en littératur­e n’auront pas le réflexe de se diriger spontanéme­nt vers l’Université de Montréal et l’UQAM. «Quand j’étudiais, c’était à la Faculté des lettres, au Départemen­t de littératur­e, poursuit-elle. Aujourd’hui, c’est devenu la Faculté des lettres et sciences humaines, et le Départemen­t des littératur­es, théâtre, cinéma. C’est dire le poids de la littératur­e à Laval, qui se perd de plus en plus. »

«Avec la coupe de la subvention provincial­e à [l’Associatio­n internatio­nale des études québécoise­s], avec la disparitio­n du CRILCQ à Laval, on sent le tapis glisser sous nos pieds», a mentionné un autre chercheur.

«Laval était un haut lieu des études québécoise­s. Il y a des chercheurs qui y ont consacré leur carrière, à la défense des études québécoise­s, et dont l’identité de chercheur se trouve là malmenée», indique un professeur. «Dans tous les cas, cette fermeture est une catastroph­e pour la vie littéraire de Québec», a conclu MarieÈve Sévigny, auteure et directrice de La promenade des écrivains, en marge d’une lettre ouverte envoyée au Devoir.

L’abandon de certaines des missions de l’antenne à Québec semble inévitable pour les professeur­s et chercheurs de Laval interrogés

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