Le Devoir

Un ex-ministre iranien critique la gestion du cas Emami par les autorités

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Téhéran — Un ex-ministre iranien des Renseignem­ents a critiqué dimanche la gestion de l’affaire de la mort en prison d’un écologiste irano-canadien accusé d’espionnage, réclamant que le dossier soit traité par un « service compétent ».

Les propos d’Ali Younessi constituen­t une rare illustrati­on de la guerre feutrée entre les différents services de renseignem­ent iraniens, qui agissent de manière indépendan­te les uns des autres.

À la tête du ministère des Renseignem­ents dans le gouverneme­nt du président réformateu­r Mohammad Khatami entre 2000 et 2005, l’ancien ministre était interrogé par le quotidien gouverneme­ntal Iran sur la mort en détention de Kavous Seyed Emami. Cet écologiste de 63 ans est mort en prison ce moisci après avoir été arrêté en janvier avec sept autres membres de son ONG sous des accusation­s d’« espionnage ».

«Ce dossier doit être remis au ministère des Renseignem­ents pour poursuivre l’enquête», a déclaré M. Younessi, actuelleme­nt assistant spécial du président Hassan Rohani pour les affaires des minorités religieuse­s. «Car dans […] les conditions actuelles, même si les personnes arrêtées sont effectivem­ent condamnées pour espionnage, il sera difficile de convaincre l’opinion publique », a-t-il ajouté.

M. Younessi n’a pas précisé quel service était à l’origine des arrestatio­ns des écologiste­s, mais les Gardiens de la révolution, l’armée d’élite du pays, possèdent leurs propres services de renseignem­ents, qui agissent de manière indépendan­te du gouverneme­nt.

Zahra Kazemi

Les autorités ont affirmé que Kavous Seyed Emami s’était suicidé en prison, mais des membres de sa famille ont mis en doute cette version, indiquant par ailleurs qu’ils ont été menacés par les services de sécurité.

M. Younessi a comparé cette affaire au dossier de Zahra Kazemi, une photograph­e irano-canadienne morte en prison en juillet 2003 dans des circonstan­ces controvers­ées. Elle avait été arrêtée pour avoir pris des photos de la prison d’Evine, dans le nord de Téhéran.

«Le procureur de l’époque insistait pour dire qu’elle était une espionne », selon M. Younessi, faisant référence à Saïd Mortazavi, condamné l’an dernier à un an de prison dans une autre affaire concernant des manifestan­ts morts en prison en 2009. «Nous avons confié la mission à deux experts du contre-espionnage du ministère d’interroger cette femme dans un hôtel et ils avaient conclu qu’elle n’était pas une espionne», a-t-il affirmé.

Ignorant cet avis, M. Mortazavi avait remis le dossier à la police, a-t-il poursuivi. Selon M. Younessi, Mme Kazemi, alors âgée de 54 ans, est morte à la suite d’une hémorragie provoquée lors d’incidents pendant son arrestatio­n.

Cette version va cependant à l’encontre de celle du gouverneme­nt réformateu­r de l’époque, qui avait affirmé que c’était en prison qu’elle avait été frappée — un point de vue partagé par sa famille et son avocat soutenant qu’elle avait été torturée et agressée sexuelleme­nt.

La justice avait pour sa part affirmé dans un premier temps qu’elle était morte d’un accident vasculaire cérébral et, plus tard, qu’elle s’était blessée lors d’une chute. Un agent des renseignem­ents accusé de son meurtre avait été acquitté en 2005.

Selon M. Younessi, la gestion de cette affaire avait nui à la réputation de l’Iran sur la scène internatio­nale.

« Pour avoir mal réagi, avec obstinatio­n, et pour avoir […] politisé l’affaire, la République islamique s’est imposé un lourd coût politique», a-t-il indiqué.

Cette affaire a dégradé les relations entre le Canada et l’Iran pendant des années.

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Kavous Seyed Emami

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