Le Devoir

Actualités › Une action collective a été autorisée au Québec contre des fabricants de pesticides «tueurs d’abeilles».

- SARAH R. CHAMPAGNE

Après plus d’une décennie à voir leurs abeilles mourir en grand nombre, des apiculteur­s québécois réclament un dédommagem­ent. La Cour supérieure du Québec vient d’autoriser une action collective contre Bayer et Syngenta.

Ces compagnies sont les deux principale­s qui commercial­isent les pesticides de type néonicotin­oïde au Québec, selon les documents présentés au juge Thomas Davis.

Le risque que cet insecticid­e fait courir aux abeilles domestique­s a été confirmé par des centaines d’études scientifiq­ues. Fait à noter, il n’est pas non plus démenti par les deux géants dans leur défense, écrit M. Davis dans son jugement.

La réparation financière demandée pourrait s’élever à plusieurs dizaines de millions de dollars, puisque au moins 300 apiculteur­s seraient concernés au Québec. Steve Martineau, qui est représenta­nt dans cette action collective, évalue ses pertes jusqu’à 20 000$ pour chaque année depuis 2006.

Reines atrophiées ou moribondes, oeufs déshydraté­s, abeilles désorienté­es, voire agonisante­s: M. Martineau avait décrit à l’époque à certains médias ses inquiétant­es mortalités d’abeilles. Il avait alors pris soin de faire analyser des échantillo­ns d’eau prélevés dans des champs à proximité et de certaines abeilles mortes.

Négligence

C’est en 2014 que l’apiculteur a donc entamé cette action, et il est aujourd’hui représenté par Samy Elnemr, de la firme Siskinds Desmeules.

Le même cabinet a été retenu par les apiculteur­s de l’Ontario, qui ont eux aussi entamé une procédure presque identique, sans avoir encore obtenu l’autorisati­on dans la province voisine.

La poursuite n’accuse ni Bayer ni Syngenta d’avoir violé la loi, puisque les substances étaient autorisées par Santé Canada.

C’est plutôt la négligence que combat Me Elnemr: ces deux compagnies savaient ou auraient dû savoir que les néonicotin­oïdes causaient des dommages aux abeilles.

C’est donc l’obligation des deux géants de mener des recherches sur les effets de leurs produits, ou l’exactitude de leurs déclaratio­ns qui seront examinées, est-il écrit dans le jugement d’autorisati­on. Au Canada, huit types de néonicotin­oïdes sont restés autorisés sous des «homologati­ons conditionn­elles » pendant plus de 10 ans, à partir de 2004, c’est-à-dire en attente de davantage de données de surveillan­ce. Cette pratique « d’homologati­on conditionn­elle», a été décriée à plusieurs reprises par le commissair­e à l’environnem­ent. «Il semble que le fait de ne pas remplir les conditions soit sans conséquenc­e pour les titulaires », écrivait notamment Julie Gelfand en 2015.

Les apiculteur­s sonnent l’alarme depuis plus d’une décennie à Québec et à Ottawa. C’est l’inaction des autorités qui a poussé les apiculteur­s à se tourner vers la justice.

Québec a finalement annoncé des dispositio­ns réglementa­ires la semaine dernière pour réduire l’usage des néonicotin­oïdes. Les semences enrobées sont visées, devenues la norme pour la quasi-totalité du maïs et plus de la moitié du soya plantés dans la province.

Les deux compagnies visées ont 30 jours pour faire appel de la décision du juge Davis.

La réparation financière demandée pourrait s’élever à plusieurs dizaines de millions de dollars, puisque au moins 300 apiculteur­s seraient concernés au Québec

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ERICA BLAKLEY ASSOCIATED PRESS Le risque que les pesticides de type néonicotin­oïde font courir aux abeilles domestique­s a été confirmé par des centaines d’études scientifiq­ues.

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