Le Devoir

Nouvelle crise entre Martine Ouellet et sept députés

Sept des dix députés remettent en cause le leadership de Martine Ouellet

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le leadership de la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, est de nouveau contesté par la majorité de ses députés. Mais cette foisci, certains songeraien­t carrément à claquer la porte du parti souveraini­ste si Martine Ouellet ne modifie pas sa façon de diriger la formation.

«Il y a une crise de leadership. C’est majeur. Il faut qu’il se passe quelque chose », tranchait l’ancien chef par intérim de la formation, Rhéal Fortin, en fin de journée lundi.

En matinée, les bloquistes s’étaient réunis en caucus pendant plus de trois heures pour tenter de réconcilie­r les deux camps qui s’affrontent au sein du parti, soit celui de Martine Ouellet et de trois députés, contre celui de sept députés dissidents. À l’issue de la rencontre à huis clos, au cours de laquelle on entendait au travers de la porte certaines voix s’élever par moment, l’impasse perdurait. La suite des discussion­s a été reportée à mercredi.

Certains souhaitera­ient voir Martine Ouellet renoncer à son poste de chef. Faute de quoi, quelques-uns songeraien­t à quitter son caucus, selon nos informatio­ns. La décision est toutefois difficile, puisque les élus ont du mal à renier le parti pour lequel ils militent. «On a un défaut, peut-être, mais on aime le Bloc, on aime nos électeurs, on aime la mission pour laquelle on est à Ottawa, a admis Rhéal Fortin. On est attachés à cette vision et à notre parti.»

Ni l’une ni l’autre des éventualit­és n’a été évoquée pendant la rencontre du caucus lundi, a précisé M. Fortin. Mais il y a de «bonnes chances » qu’un ou plusieurs élus abandonnen­t le navire si la chef n’admet pas de torts et ne promet aucun changement, selon une source.

Le Bloc avait dû gérer une querelle semblable, en juin dernier, qui opposait les mêmes factions de députés. Les dissidents avaient fini par rentrer dans le rang. «Ça ne finira pas comme en juin», a certifié Rhéal Fortin lundi. «On ne peut pas aller de crise en crise, comme ça, ad vitam aeternam. »

Intransige­ance critiquée

Le problème dénoncé par le groupe des sept récalcitra­nts: le leadership intransige­ant de Martine Ouellet. «Une grande difficulté, sinon une incapacité, à travailler en équipe», résumait Monique Pauzé. La chef impose les enjeux que défend le Bloc et les angles sous lesquels ils sont abordés, déplore-t-on. Ses critiques lui ont en outre reproché son discours au conseil général du Bloc québécois il y a dix jours, lors duquel Martine Ouellet a dénoncé devant tous les membres «un petit peu de résistance» au parti.

La crise interne qui couvait au sein du caucus a éclaté au grand jour dimanche soir, lorsque le député Gabriel Ste-Marie a annoncé par communiqué qu’il démissionn­ait de sa fonction de leader parlementa­ire. Il plaidait avoir constaté un manque de «confiance» de sa chef «après plusieurs essais infructueu­x dus à [leur] incapacité à communique­r et [à leurs] différence­s de vues sur le travail parlementa­ire à Ottawa». «Je m’attends d’un chef à ce qu’il inspire et qu’il rassemble. On se serait contentés [de ce] qu’elle ne divise pas trop», tranchait-il lundi.

Crise identitair­e

Martine Ouellet déplore plutôt un «conflit larvé», qui précède son arrivée, sur la vision du travail du Bloc que ne partagent pas les députés dissidents. Martine Ouellet et ses supporteur­s militent pour que le parti défende fermement l’indépendan­ce du Québec à Ottawa. La majorité du caucus prône la tradition, sous Gilles Duceppe, d’une défense des intérêts du Québec qui démontrera le bien-fondé de la souveraine­té.

«L’indépendan­ce, c’est la raison d’être du Bloc québécois», martelait de nouveau Mme Ouellet lundi. «Il faut que le Bloc québécois s’assume comme mouvement indépendan­tiste. Et il est temps de mettre l’indépendan­ce en avant. » La chef a par ailleurs souligné qu’il y avait toute une « dynamique d’équipe qui est à rectifier» pour se mettre «à ramer dans la même direction».

Des propos semblables à ceux de son discours au conseil général du parti. «Imaginez comment on pourrait être encore plus efficaces, encore meilleurs, si les propres joueurs de notre propre équipe ne “scoraient” pas dans nos propres buts. Du coulage, juste avant un événement important du parti comme cette semaine […] ça ne nous fait pas avancer », avaitelle affirmé.

Ces propos sont mal passés dans les rangs bloquistes, tout comme un second passage du discours, où elle avait fait valoir que ce n’est pas «en refaisant les mêmes recettes depuis 25 ans qu’on va avoir des résultats différents».

«Je n’ai jamais vu un conseil général s’ouvrir sur ce ton-là», observait l’ancien chef Gilles Duceppe, en entrevue avec Le Devoir. Il rappelle qu’au cours des deux dernières décennies, le Bloc a connu des «victoires» électorale­s jusqu’à la vague orange de 2011. «Ces recettes-là ont donné de bons plats. J’aimerais bien ça, moi, que le Bloc obtienne les mêmes résultats que ceux qu’il obtenait dans le passé ! »

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