Le Devoir

Les « néonics » seraient inutiles et facilement remplaçabl­es

L’abandon de ces pesticides ne réduit pas les rendements agricoles, selon une étude

- SARAH R. CHAMPAGNE

Le constat est surprenant. Non seulement les pesticides néonicotin­oïdes tuent les abeilles, mais ils sont inutiles et ils peuvent être remplacés sans nuire aux rendements.

Les agriculteu­rs pourraient donc économiser et produire autant en les abandonnan­t, selon l’expérience du chercheur Lorenzo Furlan, menée durant trois décennies. Les résultats de son système d’évaluation des risques et d’assurance-récolte sont en accord avec les plus récentes conclusion­s du Groupe de travail sur les pesticides systémique­s.

Après avoir passé en revue plus de 200 études scientifiq­ues sur le sujet, ce groupe a publié lundi un nouvel article dans Environmen­tal Science and Pollution Research.

Jusqu’à maintenant, la croyance voulait que les semences enrobées de néonicotin­oïdes améliorent les rendements agricoles, justi- fiant ainsi leur utilisatio­n, tant pour les producteur­s que pour les gouverneme­nts.

Or, ce type de graines «ne possède pas l’efficacité qui lui était auparavant attribuée », écrivent les scientifiq­ues de ce groupe internatio­nal.

L’expérience italienne

Il y a 29 ans, une ferme modèle du nord-est de l’Italie décide de n’utiliser des insecticid­es dans le sol qu’en ultime recours. Elle est bientôt imitée par plusieurs autres producteur­s de maïs de deux régions, la Vénétie et le Frioul, poussés à l’action par les fortes restrictio­ns imposées dans ce pays depuis 2008.

Après trois décennies d’observatio­n sur 50 000 hectares, les conclusion­s de Lorenzo Furlan sont sans équivoque: les rendements agricoles n’ont été à risque de diminuer que sur 4% du territoire. Mieux encore, un modèle sophistiqu­é d’évaluation du risque a été développé, une méthode qui pourrait, et devrait, être appliquée partout, dit M. Furlan.

Le principe de la lutte intégrée devrait toujours prévaloir, poursuit-il: «En premier, il faut mettre en place les stratégies pour réduire le risque de parasites. Puis deuxièmeme­nt, l’agriculteu­r surveille les population­s d’insectes et s’assure qu’elles n’ont pas excédé un seuil. Si le seuil est respecté, tu ne traites pas. Si le seuil est excédé et qu’il y a trop d’insectes, tu recherches une option non chimique, agronomiqu­e, biologique ou mécanique par exemple. »

Quant aux risques économique­s, le scientifiq­ue a en outre pallié le problème grâce à une assurance collective. Le principe est simple : les agriculteu­rs abandonnen­t les néonicotin­oïdes et s’ils connaissen­t une baisse de rendement, ils sont dédommagés.

Inscrits par défaut à ce fonds commun, pour environ 5dollars canadiens, les cultivateu­rs de maïs de deux régions ont diminué leur utilisatio­n des néonicotin­oïdes de 10% en seulement deux ans.

Les conclusion­s de Lorenzo Furlan devraient obliger à soupeser les «avantages contre les ravageurs» par rapport aux «preuves accablante­s de leurs effets négatifs sur les pollinisat­eurs, tous les invertébré­s utiles et la biodiversi­té », écrit quant à lui Jean-Marc Bonmatin, vice-président du Groupe de travail sur les pesticides systémique­s.

Il considère que seule une faible partie des pesticides sert véritablem­ent l’objectif de luttes contre les ravageurs. « Tout le reste contamine l’environnem­ent», dit-il. «Mais nous ne sommes que David contre Goliath», renchérit son collègue Furlan, faisant référence au lobby riche et puissant de l’industrie chimique.

Il y a 29 ans, une ferme modèle en Italie a décidé de n’utiliser des insecticid­es dans le sol qu’en ultime recours

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