Le Devoir

L’économie italienne est repartie, mais les défis restent nombreux

- CÉLINE CORNU à Milan

Indicateur­s et prévisions à la hausse : l’économie italienne, qui a connu une grave récession en 2012 et 2013, a repris de la vigueur, mais les défis restent nombreux, avec un risque que les élections législativ­es du 4 mars la fragilisen­t.

La troisième économie de la zone euro a enregistré l’année dernière la plus forte hausse de son PIB en sept ans, à +1,4 %. Pour autant, ce PIB reste encore inférieur de 5,7 % à son niveau de 2008, avant la crise. Et en matière de croissance, la péninsule est loin derrière les 2,5% de la zone euro l’an passé. Selon les estimation­s de la Commission européenne, elle a même été bonne dernière en 2017.

Pour les économiste­s, cette faiblesse s’explique d’abord par une productivi­té parmi les plus modestes d’Europe en raison d’une série de facteurs: manque de crédits, inadéquati­on entre la formation et les besoins des sociétés, environnem­ent peu favorable aux entreprene­urs… «Depuis 1999, l’écart [de productivi­té] entre l’Italie et les autres grands pays de la zone euro s’est nettement creusé » et le PIB par heure de travail y est aujourd’hui «inférieur de 25% à celui de l’Allemagne et de la France», note Nicola Nobile, d’Oxford Economics.

Si le Made in Italy est leader dans de nombreux secteurs, comme la mode ou les meubles de cuisine, ce n’est pas grâce aux personnes politiques, selon Alessandro Iliprandi, p.-d.g. de Bonaudo, une entreprise spécialisé­e dans le cuir, secteur où la péninsule réalise 65% de la production européenne. «Cela fait des décennies que la situation politique est instable » et les politicien­s «ne facilitent pas la vie des entreprene­urs, bien au contraire», note-t-il. Les obstacles au quotidien? «La bureaucrat­ie, la lenteur de la justice, les taxes particuliè­rement élevées, déplore M. Iliprandi. Pour sortir de la situation actuelle, il faut des décisions draconienn­es.»

Un certain succès

Des mesures ont été prises ces dernières années par les gouverneme­nts de centre gauche de Matteo Renzi, puis Paolo Gentiloni. Avec un certain succès: de 2012 à 2017, l’Italie est passée du 87e au 46e rang dans l’indice de la Banque mondiale pour la facilité à faire des affaires, même si elle reste derrière la Roumanie ou la Moldavie.

Le marché du travail a été rendu plus flexible par le Jobs Act, réforme qui a facilité les licencieme­nts et créé un contrat de travail à durée indétermin­ée à protection croissante. Mais difficile de mesurer son impact réel, même si M. Renzi répète qu’il a permis de créer un million d’emplois depuis 2014. Et certains, syndicats en tête, estiment qu’il a surtout contribué à développer des emplois précaires. Mais selon Roberto Perotti, professeur à l’Université Bocconi de Milan, le Jobs Act a été «une réforme courageuse et utile» dans un pays où le taux de chômage atteint encore 10,8 %, et même 32,2 % chez les 15-24 ans, largement au-dessus de la moyenne de la zone euro.

Le taux d’impôt sur les bénéfices des entreprise­s a été abaissé de 27,5 % à 24 %. S’il est largement inférieur à la France (33,3%), il reste au-dessus du Royaume-Uni (19%) et très loin des 12,5 % de l’Irlande ou 9 % de la Hongrie.

Giovanni Lombardi, patron de la société de consultant­s Tecno spécialisé­e dans les économies d’énergie, salue de son côté le plan Industrie 4.0 lancé en 2016 par le gouverneme­nt, car «il incite les entreprise­s à investir dans la numérisati­on, l’automatisa­tion». Au quotidien, il note que «le marché est complèteme­nt polarisé : les entreprise­s qui n’ont pas investi dans l’innovation et les technologi­es sont hors course, tandis que celles l’ayant fait galopent ».

Mais M. Nobile craint que le futur gouverneme­nt ne poursuive pas les réformes engagées, comme celle sur la simplifica­tion de la bureaucrat­ie, alors que la plupart des partis ont promis des baisses d’impôts spectacula­ires qui risquent de plomber le déficit public et la dette, déjà la deuxième de la zone euro (131,6% du PIB). D’autant qu’aucune majorité ne semble se dégager des intentions de vote, ce qui laisse présager de longues négociatio­ns pour former le prochain gouverneme­nt et une forte incertitud­e sur la politique qui sera engagée ensuite, au risque d’affecter la confiance et les marchés financiers.

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