Sexe (consenti), drogue et rock’n’roll
Le mouvement #MeToo va changer « la manière dont les femmes sont traitées dans le rock », croit la journaliste française Anne-Sophie Jahn
Même si les vedettes du monde de la musique ont beaucoup plus le contrôle de leur image avec les médias numériques, qu’ils alimentent souvent eux-mêmes, la transgression continue à les définir, estime la journaliste et auteure française Anne-Sophie Jahn. Sauf qu’elle croit que le rapport aux femmes et à la violence, lui, est déjà en train de changer.
«L’excès est consanguin avec le rock», affirme au Devoir la journaliste du Point, au Québec pour parler de son livre Les sept péchés capitaux du rock. Le sous-titre du livre en rajoute une couche: Sexe, violence, argent: les nouveaux excès de la musique.
La femme de 32 ans raconte des centaines d’anecdotes autour de stars ayant débordé du cadre dans les 15 ou 20 dernières années. Anne-Sophie Jahn se sert beaucoup d’une revue de presse élargie, mais a aussi passé de longues heures à recueillir des informations de première main, parfois dans le cadre de son travail au Point, mais beaucoup en travaillant le soir et les week-ends, se déplaçant à plusieurs reprises, et souvent à Londres.
«Je ne voulais surtout pas porter de jugement sur ce [que les vedettes] font, ce n’est pas à moi de dire si c’est bien ou si c’est mal, lance celle qui couvre la musique et la culture pop. Mais après il y a un fil rouge derrière, qui montre comment psychologiquement la rock star est contrainte à pécher. Et qui montre que c’est un sacerdoce. Oui, ça nous amuse, il y a plein d’histoires de potins, mais l’excès est intrinsèque au job .»
Oasis y passe, comme Jay-Z, Blur, Peter Doherty et Eminem. Anne-Sophie Jahn fait même un petit arrêt à Montréal lors d’un concert pour le moins éclaté de Mac DeMarco. « Depuis cinq ou six ans, je viens deux fois par an à peu près à Montréal, pour le Jazz, les Francos, M pour Montréal. C’est ma bouffée d’oxygène, et la scène est incroyable. »
Une évolution grâce à #MeToo
Le livre n’est pas un essai musical qui propose des théories ou des pistes de réflexion. Il ressemble davantage à un vaste éventail de péchés — parfois véniels et parfois mortels —, qui finit presque par nous décourager de l’espèce humaine. Un potin a beau être documenté habilement, il reste un potin.
Mais «rien n’est complètement futile, corrige Mme Jahn. Même dans des histoires marrantes, on peut trouver quelque chose d’intellectuellement nourrissant, et qui fait réfléchir sur le monde. »
D’ailleurs, en entrevue, Mme Jahn amène de l’eau au moulin de la réflexion quant à ces transgressions, dont le récit fait parfois sourciller. Selon elle, le mouvement #MeToo, et tout ce qui l’entoure, va faire évoluer «la manière dont les femmes sont traitées dans le rock. On est dans une époque où la parole se libère sur notamment les violences faites aux femmes. Les violences sexuelles mais aussi physiques. »
Ne serait-ce que dans la relation entre vedette et journaliste musicale… Anne-Sophie Jahn raconte elle-même avoir interviewé une star qui a insisté fortement pour l’embrasser, il y a plusieurs années. Elle n’en avait pipé mot. «Récemment, il y a un des membres de Last Shadow Puppets qui a dragué une journaliste, sauf que la fille elle en a fait un papier,
elle l’a raconté. Avant, ça ne se serait pas produit, elle aurait eu honte. »
Tout n’est pas gagné, croit toutefois Mme Jahn. Elle donne l’exemple de Bertrand Cantat, qui est le sujet du chapitre le plus documenté et le plus porteur des Sept péchés capitaux du rock. La journaliste s’est attardée à illustrer «un véritable système d’omerta sur le fait qu’il frappait des femmes depuis des années». Jahn espérait que ses révélations libéreraient la parole des victimes, mais elle a été «terrifiée» de voir que non. «Ce n’est pas encore gagné. Ça prendra encore du temps. »