Les Suisses prêtent main-forte à leur diffuseur public
La consultation populaire tenue dimanche reflète la situation des pays occidentaux
Les Suisses ont majoritairement voté contre l’abolition de la redevance audiovisuelle dimanche, lors d’un référendum qui menaçait la survie de leur dif fuseur public.
Le «non» l’a emporté haut la main avec 71,6 % des voix.
L’initiative est partie du mouvement jeunesse du Parti libéral radical en 2014, qui a pu réunir les 100 000 signatures nécessaires pour organiser le référendum.
Appuyés par l’Union démocratique du centre, les défenseurs du «oui» critiquaient le montant de la redevance et le poids de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), qui «n’a plus rien à voir avec leur génération».
La redevance en Suisse est l’une des plus chères d’Europe, s’élevant à 451francs suisses (617dollars canadiens). Elle doit être abaissée à 365francs (500dollars canadiens) l’année prochaine et s’appliquer à l’ensemble de la population, et non plus seulement aux détenteurs d’un poste de télévision ou de radio, les programmes étant accessibles aussi sur Internet.
La plus grande partie de la redevance est ainsi reversée à la SSR, qui diffuse dans les quatre langues officielles (allemand, français, italien et romanche); 21 radios et 13 télévisions régionales, remplissant un mandat de service public, en bénéficient.
La SSR a failli perdre 75 % de son financement dimanche, ce qui aurait mis en péril sa survie et menacé près de 13 500 emplois.
Dif fuseurs publics en péril
«Ils s’en sont sauvés pour cette fois», lance Pierre Barrette, professeur à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal.
À son avis, mettre fin à la télévision publique serait une erreur, une telle institution ayant pour mandat de protéger la qualité de l’information et la qualité des contenus. « Si on envoie tout ça au privé, c’est la loi unique des cotes d’écoute qui va régner, elle est déjà bien trop présente », déplore-t-il.
Le référendum suisse n’est que le reflet de la situation en Europe et dans les pays occidentaux, où le modèle de télévision traditionnel est voué à une transformation radicale, croit le professeur.
Les jeunes de moins de 25 ans ne consomment plus leurs émissions de divertissement et d’information en regardant la télévision, mais plutôt en naviguant sur Internet.
«Les jeunes ne se reconnaissent plus dans ce modèle. […] Un grand nombre d’entre eux n’ont même pas de télé. Donc, quand vient le temps de payer ce service, ils n’en voient pas l’intérêt », soutient M. Barrette.
Les chaînes publiques devront tôt ou tard se repositionner et investir davantage dans les plateformes numériques pour s’assurer un avenir, d’après lui.
« Ce qu’il y a de particulier en Suisse, c’est que les gens reçoivent une fois par année une facture à payer. Ça frappe davantage l’esprit, ils ont devant les yeux combien ils doivent payer pour avoir accès à un service public», ajoute le professeur. En comparaison, les Canadiens contribuent à leur diffuseur public, mais à travers leurs impôts, «ce qui donne moins l’impression de réellement payer ».
Le cas canadien
Si CBC et Radio-Canada ont aussi connu leurs moments difficiles en matière de financement, confrontés à des compressions budgétaires importantes sous le gouvernement Harper, M. Barrette reste plutôt optimiste quant à leur survie. Le service public puise dans le porte-monnaie des Canadiens, mais contrairement à la Suisse — et à d’autres pays européens —, il s’appuie aussi beaucoup sur la publicité.
«On a également un fort attachement à notre télé, à Radio-Canada et au Québec, pour des raisons tant linguistiques ou culturelles qu’historiques. Même si on critique cette institution parfois, on y est viscéralement attachés», estime-t-il.
La SSR a failli perdre 75% de son financement dimanche, ce qui aurait mis en péril sa survie et menacé près de 13 500 emplois