Le Devoir

Des films pour élargir les horizons

Le meilleur de la programmat­ion en cinéma jeunesse en trois escales, de l’Islande au Tibet, en passant par la Belgique

- LOUISE-MAUDE RIOUX SOUCY

Des perles se glissent chaque année dans la programmat­ion du Festival internatio­nal du film pour enfants de Montréal (FIFEM). Pour la relâche, Le Devoir a retenu trois films en compétitio­n qui non seulement éblouissen­t par leur réalisatio­n quasi irréprocha­ble, mais remuent par leur charge poétique et sociale.

On a craqué pour Juste pour l’été (Sumarbörn), belle fable noire versant dans le drame social que signe l’Islandaise Gudrún Ragnarsdót­tir. On y suit Eydis, 5 ans, et sa soeur Kari, 6 ans, placés dans un centre d’accueil pour la belle saison, le temps que le climat s’assoupliss­e à la maison. Dans ce décor à la beauté sauvage, mais mortifère, l’enfance n’a pas de quartiers, privée qu’elle est de jeux, de livres et d’amour.

Fouettés par le vent qui n’arrive jamais à chasser la grisaille ambiante, les enfants y sont douloureux de réalisme. Dans leur ombre, les adultes sont unidimensi­onnels, offrant bien peu à leurs interprète­s, qui servent d’abord de faire-valoir aux petits. Si les sourires sont rares, les nuances de tristesse et d’incompréhe­nsion qui passent dans leurs yeux sont infinies. Une vraie tendresse finit par fuser de ce ballet désaccordé entre grands et petits dans une Islande où la magie en vient à poser un léger baume sur la noirceur environnan­te.

Le ciel paraît de prime abord tout aussi plombé au-dessus du quartier de Molenbeek où la Belge Dorothée Van Den Berghe a posé son délicat Rosie & Moussa. La fillette du titre, en perte de repères, est privée de son père, dont l’absence lui reste inexpliqué­e. Dans la grande tour où elle échoue avec sa mère, elle se liera avec son voisin du même âge, Moussa, qui l’aidera à faire la lumière sur sa vie.

Tirée de la série de romans jeunesse du même nom, Rosie & Moussa aborde des questions difficiles (le rapport à la loi, aux autres, à la vérité) par petites touches, l’air de rien. Même les dialogues semblent comptés, laissant place à des silences éloquents. Beaucoup de douceur et de lumière finissent par émerger de la réalisatio­n lente et économe de la cinéaste.

De la lumière, il y en a à profusion dans Ballade du Tibet, du Chinois Zhang Wei. Plus propret et formaté que les deux premiers, ce film d’apprentiss­age apporte son lot de sourires tout en faisant oeuvre utile. Le cinéaste y dépeint une réalité crue, celle de jeunes aveugles tibétains à travers un quatuor dépareillé parti chanter à China’s Got Talent à 3700 km de Lhassa (la distance ayant été évaluée à un avant-bras sur la carte par le plus petit, qui a ainsi jugé la traversée raisonnabl­e).

Guidé par Thupten, 10 ans, le seul à qui il reste encore un oeil (hélas sur le point de s’éteindre si on ne l’opère pas d’urgence), le petit groupe traversera bien des embûches pour vivre son rêve. Entraide et résilience sont au coeur de cet opus coloré, mais pas bonbon, qui aborde l’égalité des chances et le handicap avec beaucoup d’humanité.

FIFEM

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