Le Devoir

La base militante du Bloc québécois est divisée

Martine Ouellet doit-elle se soumettre rapidement à un vote de confiance ?

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Il n’y a pas que le caucus du Bloc québécois qui soit divisé. Les associatio­ns de circonscri­ption bloquistes le sont tout autant. Certaines appuient Martine Ouellet sans réserve, d’autres réclament son départ, d’autres encore l’invitent à se soumettre à un vote de confiance rapidement afin de clore la crise une fois pour toutes. Dans Chicoutimi- Le Fjord, on rage à l’idée que ce nouveau déchiremen­t fasse perdre la prochaine élection partielle qui aurait dû autrement être acquise aux souveraini­stes.

Le Devoir a contacté lundi 28 associatio­ns bloquistes, dont 15 ont répondu à nos appels. ( Le Québec compte 78 circonscri­ptions, mais certaines n’ont pas d’associatio­ns bloquistes actives.) Sept d’entre elles demandent le départ de la chef ou du moins un vote de confiance devancé.

« Je ne prends pas parti pour un ou l’autre des deux clans », précise Élise Gauthier, la présidente de l’associatio­n bloquiste de Chicoutimi- Le Fjord. « Ce que je demande au parti que j’ai contribué à fonder, car j’en suis membre depuis 1991 […], c’est de respecter les membres et de leur donner la possibilit­é de se prononcer de façon officielle. Tous les membres, selon la formule un membre, un vote. »

Selon Mme Gauthier, il est impensable d’attendre 14 mois pour la tenue d’un vote de confiance, comme le prévoit le calendrier actuel du Bloc. Le vote doit avoir lieu « au plus sacrant » , lance- t- elle, car « un parti a besoin de stabilité ».

Mme Gauthier rage d’autant plus devant la situation qu’une élection partielle doit être déclenchée sous peu dans sa circonscri­ption, le député libéral Denis Lemieux ayant démissionn­é pour des raisons personnell­es. « J’ai à peu près 85% de chances de perdre cette élection- là alors que, pour nous, elle était gagnable. La gang d’Ottawa et celle de Montréal sont responsabl­es de cette perte que je vais avoir, moi. » La militante se félicite d’avoir eu le « pif » de ne pas dévoiler tout de suite l’identité de son candidat pour la partielle. « On verra si on a encore une candidatur­e [quand l’élection sera déclenchée] », dit-elle.

Félix Pinel, président dans Rivière- des- Mille- Îles, avait tenté en vain de se présenter à la chef ferie contre Martine Ouellet l’an dernier, n’ayant pu recueillir les signatures nécessaire­s à sa mise en candidatur­e. Il réclame un vote de confiance rapidement. « Si j’étais Martine Ouellet, je demanderai­s moi- même de devancer le vote de confiance. Ce serait une façon d’asseoir une fois pour toutes mon leadership. Je ne le vois pas comme quelque chose de négatif. »

Le président de Brome-Missisquoi, Guillaume Paquet, estime qu’un « chef qui n’est pas rassembleu­r doit partir ». Selon lui, si la rumeur se concrétise et que les insatisfai­ts tentent de recueillir la signature de 25 associatio­ns de circonscri­ption pour faire devancer le vote de confiance de mai 2019, il s’y joindra « de manière sereine ».

Larry Boutin est le président sortant de l’associatio­n de Châteaugua­y-Lacolle qui, dit-il, a été dissoute depuis. Il demande à la fois le départ de Martine Ouellet et celui du député Mario Beaulieu à la présidence du parti. « Il faut absolument que Mme Ouellet parte, mais il faut avouer qu’elle est un peu coincée, car elle irait où? »

L’associatio­n d’Abitibi–BaieJames–Nunavik–Eeyou demandera probableme­nt le départ de Mme Ouellet puisque cinq des neuf membres de l’exécutif le veulent, relate son président Yvon Lévesque. M. Lévesque fait partie du groupe des 21 exdéputés ayant signé la lettre de Gilles Duceppe et Pierre Pa- quette publiée vendredi dernier dans Le Devoir et demandant le départ de Martine Ouellet.

Thomas Grégoire, président dans Joliette, circonscri­ption d’un des sept députés dissidents, a indiqué au Devoir qu’il voulait aussi voir la chef partir. Il consultera cependant ses membres la semaine prochaine. Martin Lajeunesse, qui préside l’associatio­n du député dissident Louis Plamondon, demande lui aussi un vote de confiance « le plus tôt possible pour ne pas envenimer la situation » . En entrevue avec La Presse canadienne, Mario Beaulieu a averti que les associatio­ns qui resteront fidèles aux dissidents perdront toutes leurs ressources bloquistes et risqueront d’être remplacées par de nouveaux exécutifs. Les circonscri­ptions de Portneuf– Jacques-Cartier et de BerthierMa­skinongé avaient déjà demandé le départ de Mme Ouellet la semaine dernière.

Deux circonscri­ptions contactées par Le Devoir indiquent qu’elles resteront neutres pour éviter des déchiremen­ts internes: Laurentide­s-Labelle et Beloeil-Chambly. « C’est assez divisé chez nous, alors pour garder l’harmonie dans notre groupe, on va probableme­nt rester neutres », dit Frédéric Labrie, de Laurentide­s-Labelle.

Il est à noter que la démarche du Devoir agace le Bloc québécois. Une agente de liaison a contacté l’auteure de ces lignes pour lui signaler que, si elle utilisait une liste de contacts fournie par quelqu’un à l’interne, elle devait cesser de le faire, car cette liste avait été transmise « illégaleme­nt ». À la mi-journée, un courriel avait été envoyé par le parti aux présidents d’associatio­n pour les sommer de ne pas parler aux journalist­es.

Des appuis

Mme Ouellet a aussi des supporteur­s. Une lettre ouverte, sorte de réplique à celle du duo Duceppe-Paquette, serait même en préparatio­n, selon ce qu’a appris Le Devoir. Les présidents d’associatio­ns de circonscri­ption fidèles à la chef auraient été invités à la signer. L’ex-députée Diane Bourgeois a écrit au De

voir qu’elle appuyait la chef. On retrouve dans ce camp Jocelyn Beaudoin, président sortant, mais toujours membre de l’exécutif de l’associatio­n de Shefford. « La majorité est derrière Martine Ouellet » , dit- il. M. Beaudoin rage contre ce qu’il appelle la vieille garde, Gilles Duceppe en premier lieu, qui tente de conserver la mainmise sur le parti. « La lettre de vendredi d’anciens députés met en avant encore les mêmes vieilles façons de faire. Et ces façons de faire nous ont amenés à un mur en 2011. Je ne vois pas comment on peut continuer dans la même direction. »

Une autre personne qui a demandé l’anonymat parle même d’une « vendetta » menée contre Martine Ouellet par Gilles Duceppe. « Probableme­nt qu’il veut revenir en sauveur, comme il a fait avec Mario Beaulieu [en 2015]. »

Jean-Marcel Duval, le président de Pierre- Boucher– Les Patriotes– Verchères, la circonscri­ption du fidèle député Xavier Barsalou-Duval, appuie la chef. Il estime qu’au dernier conseil général du Bloc, celui où le salaire de 95 000 $ à Martine Ouellet a été approuvé, « 90 % des gens ont voté pour le budget ».

Dans Manicouaga­n, représenté­e par Marilène Gill, l’exécutif appuie aussi Mme Ouellet.

Julien Francoeur, président de LaSalle–Émard–Verdun et membre du Bureau national du Bloc québécois, af firme que tous les membres de l’exécutif de sa circonscri­ption appuient Mme Ouellet, sauf un. Selon lui, les dissidents auront de la difficulté à rassembler les 25 signatures nécessaire­s pour faire devancer le vote de confiance.

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