Le Devoir

Couillard et Macron veulent relancer la Francophon­ie

Philippe Couillard a rencontré Emmanuel Macron au premier jour de sa visite

- CHRISTIAN RIOUX Correspond­ant à Paris

Pour une des rares fois dans les relations France- Québec, la promotion de la langue française se retrouve au coeur des discussion­s à l’occasion d’une visite officielle du premier ministre québécois en France. « Nous devons retrouver une véritable ambition pour cette langue », a déclaré le président français au terme d’un entretien de 45 minutes avec Philippe Couillard, qui amorçait lundi une visite de cinq jours en France.

Les deux hommes, qui s’étaient déjà croisés il y a trois ans alors qu’Emmanuel Macron n’était que ministre de l’Économie, ont abordé les relations économique­s et les défis que chacun relève en matière d’environnem­ent. Mais c’est l’importante de relancer les ef for ts en faveur de la Francophon­ie qui semble avoir retenu principale­ment leur attention.

« Il n’y a jamais rien d’innocent entre la France et le Québec » , a déclaré Emmanuel Macron. Or, dit- il, la langue française est « le ciment le plus ferme de cette relation » . Le président a dit souhaiter que « nous puissions faire davantage » pour relancer l’enseigneme­nt du français en Afrique, assurer la formation des maîtres et assurer une meilleure présence du français sur Internet. Des mots repris par Philippe Couillard, qui dit que « la langue française, il faut se battre pour elle » et que « c’est en Afrique qu’il faut agir ».

Pas « grincheux »

Mais Emmanuel Macron tient à préciser qu’il ne fait pas partie de ceux qu’il appelle « les défenseurs grincheux » du français. Défendant son choix de s’exprimer souvent en anglais à l’étranger, notamment en Allemagne, il veut situer ce combat dans la défense du plurilingu­isme. « Le français, dit-il, n’est pas une langue enclavée […] C’est la force du français par rappor t à une langue anglo- saxonne qui paraît vouloir absorber les autres langues. »

Les deux hommes n’ont pas précisé les nouveaux moyens qu’ils comptent déployer, mais en France, on attend un important discours du président le 20 mars prochain, Journée internatio­nale de la Francopho- nie. Des annonces pourraient aussi être faites jeudi prochain à la suite de la XXe rencontre alternée des premiers ministres français et québécois qui doit se tenir à Matignon et à l’occasion de laquelle Philippe Couillard rencontrer­a son homologue, Édouard Philippe.

Dans la même veine, le président français a dit souhaiter que, alors que le Québec accueille plus de 10 000 étudiants français, la France puisse « accueillir davantage d’étudiants québécois » . Ce souhait avait déjà été formulé par les ministres Jack Lang et le président François Hollande sans que la situation change pour autant. Philippe Couillard parle aujourd’hui d’augmenter le « contingent » d’étudiants québécois qui auraient accès aux grandes écoles françaises qui jouissent d’une réputation internatio­nale.

Couillard critique Michaëlle Jean

Interrogé par la presse québécoise, Emmanuel Macron, qui ne cite pratiqueme­nt jamais l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie avec laquelle il garde une certaine distance, n’a pas dit s’il était favorable au renouvelle­ment du mandat de sa secrétaire générale, la Canadienne Michaëlle Jean. Celui-ci vient à échéance en octobre prochain au XVIIe sommet de l’OIF à Erevan, en Albanie.

Avant de lui rendre une visite de courtoisie dans l’aprèsmidi, Philippe Couillard a indirectem­ent critiqué Michaëlle Jean. Le premier ministre a dit qu’il attendait d’elle qu’elle fasse preuve de « davantage de rigueur et de transparen­ce dans l’administra­tion interne de cette grande organisati­on ». Cette déclaratio­n fait suite aux révélation­s du Journal de

Montréal selon lequel l’OIF doit puiser dans ses fonds propres pour financer le voyage d’un groupe de jeunes francophon­es sur la reproducti­on de l’Hermione, le bateau qui avait conduit La Fayette aux ÉtatsUnis en 1780. L’an dernier, Québecor avait aussi révélé des faits troublants sur le train de vie de la secrétaire générale et la rénovation de sa résidence. En ce qui concerne la reconducti­on de son mandat, le premier ministre se contente de dire : « Pour ce qui est de Mme Jean, il n’y a pas actuelleme­nt de course à la direction, de candidatur­e, il n’y a pas d’élection. »

Interrogé sur la menace d’une guerre commercial­e sur l’aluminium, lancée par le président Donald Trump, Emmanuel Macron s’est montré solidaire avec Philippe Couillard. Selon lui, ces mesures, si elles se concrétisa­ient, seraient en contradict­ion avec les règles de l’OMC, et il serait justifié que l’Union européenne prenne des mesures de rétorsion. Il traite ces mesures de « nationalis­me économique » . Or, dit-il « le nationalis­me, c’est la guerre ». Une phrase de son prédécesse­ur François Mitterrand qu’Emmanuel Macron aime répéter devant tous les auditoires.

La visite de Philippe Couillard se poursuit ce mardi à Toulouse, où il rencontrer­a le grand patron d’Airbus, Tom Enders, qui a récemment mis la main sur la fabricatio­n des avions Série C conçus et développés jusque- là à Montréal par Bombardier avec l’aide des gouverneme­nts canadien et québécois.

Philippe Couillard a aussi annoncé qu’à l’invitation du Québec, le président français s’adresserai­t à l’Assemblée nationale lors de sa venue à l’occasion du sommet du G7 qui se tiendra les 8 et 9 juin prochain dans Charlevoix. Les présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient aussi prononcé une allocution dans l’enceinte du parlement. Emmanuel Macron devrait aussi en profiter pour participer à une autre rencontre à Montréal sur le thème de l’intelligen­ce artificiel­le.

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MICHEL EULER ASSOCIATED PRESS Le premier ministre Philippe Couillard a été reçu à l’Élysée par le président Emmanuel Macron.

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