Le Devoir

Québec promet de faire le nécessaire pour assurer l’indépendan­ce du CEROM

- ALEXANDRE SHIELDS

Le gouverneme­nt Couillard promet de se pencher sur la crise qui secoue le Centre de recherche sur les grains (CEROM), un organisme qui mène des recherches sur les pesticides et dont certains dirigeants auraient fait pression pour bloquer des travaux scientifiq­ues portant sur les controvers­és néonicotin­oïdes.

Le Devoir et Radio- Canada ont révélé lundi que pas moins de 15 employés, dont 7 chercheurs, ont quitté leurs fonctions au CEROM depuis deux ans. Une situation qui, selon plusieurs sources, serait attribuabl­e au climat de « contrôle », de pressions et d’ingérence dans les travaux de recherche, notamment ceux sur les effets des néonicotin­oïdes, des pesticides « tueurs d’abeilles » dont l’utilisatio­n est de plus en plus contestée.

Le conseil d’administra­tion du CEROM, un organisme financé à 70 % par des fonds publics, est contrôlé par des acteurs du secteur privé et est présidé par Christian Overbeek, président des Producteur­s de grains du Québec. Ce dernier a aussi pris publiqueme­nt position pour l’utilisatio­n des néonicotin­oïdes.

Appelé à réagir lors d’un point de presse lundi, le ministre de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on, Laurent Lessard, a affirmé que le gouverneme­nt ferait le nécessaire pour garantir l’ « indépendan­ce de la recherche » au CEROM.

« On ne veut pas que ce soit à la merci de l’industrie », a-t-il souligné, « mais des besoins du gouverneme­nt dans ses politiques publiques ». Le ministre Lessard a également dit que son ministère allait « regarder la compositio­n du conseil d’administra­tion ».

Problème connu

Une note interne du ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ) datée du 7 novembre 2017 indique toutefois que la « problémati­que » du CEROM était déjà connue du ministère.

Le document insiste notamment sur la « compositio­n non adéquate des postes d’administra­teur au sein du CA qui ne permet pas d’avoir une neutralité dans les orientatio­ns du Centre ». Cette note évoque aussi l’ « ingérence de quelques membres du conseil, et notamment de son président, dans la diffusion et l’interpréta­tion des résultats de projets de recherche ».

« Le problème central est que le MAPAQ octroie une importante aide financière (dépassant le million et demi de dollars en fonctionne­ment et en apport de subvention) à une organisati­on contrôlée par des intérêts incompatib­les avec l’intérêt public », peut-on également lire. « Il est impératif que les autorités du MAPAQ posent des gestes concrets pour corriger rapidement la situation », conclut le document.

Indépendan­ce

Pour le professeur Yves Gingras, directeur scientifiq­ue de l’Observatoi­re des sciences et des technologi­es, cette situation démontre le besoin d’assurer la « totale indépendan­ce » de la recherche, par rapport notamment à des intérêts privés. Dans ce domaine, dit-il, il serait nécessaire d’accroître les moyens du MAPAQ, mais aussi de recourir davantage à la recherche universita­ire, deux secteurs qui ont subi des compressio­ns au cours des dernières années.

Le président des Producteur­s de grains du Québec, Christian Overbeek, a choisi de réagir par communiqué lundi. « Le respect des man- dats qui me sont attribués et le respect des mandats et des compétence­s des personnes que je côtoie sont la fondation de toutes mes interventi­ons », a-t-il écrit.

« Cela dit, comme président des Producteur­s de grains du Québec, j’ai le devoir de faire valoir les positions et les préoccupat­ions de nos membres dans l’espace public. L’indépendan­ce de la recherche scientifiq­ue réalisée au CEROM est au coeur de mes préoccupat­ions », a-t-il ajouté.

Dans une lettre adressée directemen­t au premier ministre Philippe Couillard, Équiterre a dénoncé l’attributio­n de fonds publics au CEROM, « alors que les conflits d’intérêts sont flagrants » . Le groupe écologiste demande à ce que ces fonds soient versés « à des chercheurs complèteme­nt indépendan­ts de l’industrie ».

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ISTOCK Le président du conseil d’administra­tion du CEROM, Christian Overbeek, a déjà pris publiqueme­nt position en faveur de l’utilisatio­n des néonicotin­oïdes, des pesticides « tueurs d’abeilles ».

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