Faut-il répliquer ?
Le président Donald Trump a pris tout le monde de court en faisant savoir qu’il allait imposer des tarifs douaniers de 25% sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium importés. Malgré sa féroce opposition, le gouvernement Trudeau est mal placé pour répliquer.
C’est la guerre entre les États- Unis de Donald Trump et le reste de la planète. Une guerre commerciale qui ne fait aucune différence entre les alliés qui sont aussi les meilleurs clients, comme le Canada, et ceux qui sont à l’origine des prix très bas, comme la Chine, et qui ne seront que très peu touchés. En ef fet, la Chine ne compte que pour quelques points de pourcentage dans la consommation d’acier et d’aluminium aux États-Unis, mais c’est à elle que l’on doit la surproduction fantastique à l’origine de la baisse des prix et de la fermeture de dizaines d’usines vétustes partout sur la planète, notamment aux États-Unis.
Grâce à la forte intégration continentale — et au coût d’énergie moins élevé dans le cas du Québec —, le Canada est encore aujourd’hui le premier fournisseur d’acier et d’aluminium des États-Unis.
Cela dit, le Canada achète toujours plus d’acier de son voisin qu’il ne lui en vend, de sorte qu’il pourrait taxer ce produit à son tour sans y perdre au change. Ce qui n’est pas le cas pour l’aluminium. Mais répliquer en taxant l’acier, le vin, la laitue ou le jus d’orange, est-ce la voie à suivre ? Certainement pas pour les consommateurs canadiens, à moins d’imiter l’Union européenne, qui se concentre sur quelques symboles et produits de luxe comme le bourbon et les Harley Davidson.
À écouter le représentant québécois du puissant syndicat Unifor, le Canada devrait carrément se retirer de la table de négociations de l’ALENA. Vraiment ? N’est-ce pas ce que souhaite M. Trump?
Dans un tweet hier, le président a lui-même fait le rapprochement entre les tarifs douaniers et l’ALENA : pour régler le problème, le Canada n’a qu’à signer un accord avantageux pour les États- Unis, a- t- il écrit. La belle affaire ! La fin de l’ALENA approche sans doute, mais ce serait une mauvaise idée de prendre l’initiative de quitter la table avant d’avoir tout essayé.
En plus des interventions diplomatiques habituelles, Ottawa a déjà déposé une plainte officielle à l’OMC. D’autres pays ont fait de même, ou le feront bientôt. Encore faudra-t-il que M. Trump accepte les conclusions de l’OMC. Or, pour lui, une guerre commerciale sera « facilement gagnée ». Et si les pays répliquent, les États-Unis répliqueront à leur tour, a-t-il ajouté.
À court terme, l’approche américaine aura probablement des retombées positives sur la demande intérieure d’acier et d’aluminium aux États- Unis, et peut- être même sur l’emploi dans les usines de transformation qui subsistent. Des retombées politiques positives aussi, notamment en Pennsylvanie, où aura lieu la semaine prochaine l’élection d’un représentant à la Chambre.
En revanche, il en coûtera plus cher pour construire des voitures, des aéronefs et des ponts. Et de toute façon, cela ne suffira pas pour convaincre les multinationales de réinvestir des dizaines de milliards pour recréer le parc industriel du siècle dernier alors que la surcapacité mondiale de production n’aura pas diminué d’une tonne.
Devant des vents contraires d’une telle ampleur, le gouvernement d’un petit pays aussi dépendant que le Canada doit éviter de provoquer inutilement le nationaliste obtus de Washington. Malheureusement pour M. Trudeau, cette approche passive s’apparente à une absence de volonté politique qui accentue l’impression d’insignifiance du premier ministre et du gouvernement.