Le Devoir

Le rattrapage salarial, un débat nécessaire

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Je veux absolument remercier les journalist­es qui ont donné la parole au cours des dernières semaines à des personnes qui ont pu par tager leur analyse de la question du « rattrapage » salarial et des augmentati­ons accordées aux médecins et aux spécialist­es. Les points de vue de médecins, infirmiers, spécialist­es en communicat­ion ou en gestion du système de santé ont été fort éclairants et m’ont permis de recouvrer espoir dans notre capacité à rétablir les valeurs qui assurent le partage du bien commun. Avant leurs inter ventions, j’étais abasourdie par le poids d’une indignatio­n profonde qui me faisait douter du respect des principes qui sous-tendent notre démocratie et l’orientatio­n de nos choix sociaux.

À ma connaissan­ce, aucun autre métier, aucune autre profession ne bénéficie au Québec de « rattrapage­s » et d’autant de « primes » qui tiennent compte de la complexité de la tâche, tels que ceux consentis à la profession médicale et à ses spécialist­es. C’est plutôt le contraire qui est observé, vécu et éprouvé: coupes de personnel, augmentati­on des ratios de patients, abolition de postes pourtant jugés essentiels au maintien des soins de santé physique et psychologi­que pour les différente­s population­s, jeunes et moins jeunes.

Je travaille depuis plus de 20 ans auprès d’une population de jeunes en situation de grande précarité. Des jeunes qui ont été lourdement éprouvés dans leur court parcours de vie et pour lesquels les questions de justice et d’équité sont vitales en ce qu’elles nourrissen­t leur courage lorsqu’elles sont préservées et actualisée­s, ou stimulent leur désenchant­ement lorsqu’elles sont flouées ou demeurent à l’état de bonnes intentions. Il n’existe pratiqueme­nt pas de ser vices adaptés à la condition et aux besoins complexes de ces jeunes dans notre réseau de la santé. De plus, comme pour la majorité des autres jeunes provenant de classes sociales diversifié­es, le manque d’accès à des services de santé psychologi­que et mentale demeure criant, les ressources de ce côté tardant à se concrétise­r, malgré les plans d’action qui se sont multipliés au cours des années et qui visent le contraire.

Grâce à certaines commission­s d’enquête, la population a eu l’occasion d’approfondi­r ses connaissan­ces de notions reliées à l’éthique. Les mots transparen­ce, collusion, corruption, favoritism­e, conflit d’intérêts, apparence de conflit d’intérêts, concurrenc­e et élitisme circulent de plus en plus dans les conversati­ons et font l’objet de discussion­s, ce qui est une très bonne chose. Cependant, je crains maintenant que le débat NÉCESSAIRE que vous avez contribué à alimenter ne tombe rapidement sous silence au cours des prochaines semaines.

Diane Aubin, psychologu­e et conseillèr­e clinique

Montréal, le 2 mars 2018

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