Mise en garde italienne
Nouveau coup de tonnerre dans le ciel européen avec la victoire des forces eurosceptiques et anti-système aux législatives de dimanche en Italie. Aucune majorité de gouvernement n’ayant été dégagée par l’une ou l’autre de ces forces, ce sont des résultats électoraux qui annoncent une période de grande confusion et de tractations compliquées pour former une coalition, mais aussi, on l’espère, de grand questionnement. Pour l’Italie comme pour l’Europe. « Quel bordel », titrait lundi matin le quotidien Il Tempo. Donnée fondamentale: ce sont plus de la moitié des électeurs qui ont voté pour des formations en rupture avec la politique traditionnelle si l’on additionne le score de la Ligue (ex-Ligue du Nord) de l’extrémiste de droite Matteo Salvini à celui de l’inclassable Mouvement 5 étoiles (M5S).
D’abord, ces élections italiennes viennent mettre en exergue le glissement europhobe et anti-immigrant de l’électorat de droite, un glissement qui se produit aux dépens du parti Forza Italia de Silvio Berlusconi, qui sort de l’exercice vraiment écorché.
L’autre orage que ces élections font pleuvoir sur le paysage politique tient à l’extraordinaire percée du M5S, devenu premier parti en Italie avec 32 % des voix. Populiste, attrape-tout, antisystème : les commentateurs se perdent en tentatives de définition.
Né il y a moins de dix ans, il est difficile à définir en dehors de ses positions anti-élites et anticorruption. Plutôt à gauche au départ, cela ne l’a pas empêché d’entretenir le flou sur ses positions migratoires ou de s’allier en 2014 au Parlement européen au parti d’extrême droite britannique UKIP. Le M5S est en tout cas l’expression de la détresse économique de la jeunesse — surtout celle du Sud historiquement désavantagé par rapport au Nord — dans un pays où 33% des moins de 25 ans se trouvent au chômage.
Tout cela sur fond de déconfiture du Parti démocrate de l’expremier ministre Matteo Renzi, ce qui montre, si besoin était, à quel point les politiques centristes et sociales- démocrates ne sont plus portées de façon crédible un peu partout en Europe.
Résoudre ce « bordel » impliquera que les européistes sortent la tête du sable. L’accord de coalition gouvernementale finalement scellé le même jour en Allemagne ne constitue guère plus qu’un baume sur tout ce qui compromet aujourd’hui la « construction » européenne. Ce qui se passe en Italie s’inscrit dans le mouvement d’emportement collectif qui a donné lieu au Brexit et a accru l’influence de la droite dure en Hongrie, en Pologne, en Autriche et en Allemagne. En l’occurrence, l’Union européenne est punie pour son échec à aider une Italie qui a été au front dans la crise des migrants, et qui l’est toujours. Ce scrutin lui est un avertissement, sinon même un ultimatum.