Le Devoir

La Chine vise une croissance de 6,5%

Pékin aspire à un modèle de développem­ent durable en musclant ses efforts contre la dette, les risques financiers et la pollution

- JULIEN GIRAULT à Pékin

La Chine a reconduit pour 2018 son objectif d’une croissance économique d’environ 6,5 % », à l’heure où Pékin dit viser un modèle de développem­ent durable en musclant ses efforts contre la dette, les risques financiers et la pollution. « C’est un chif fre bien adapté, l’économie est en transition entre une période de croissance rapide et une phase de développem­ent qualitatif », a expliqué lundi le premier ministre Li Keqiang, dans un discours- fleuve ouvrant la session annuelle du Parlement.

Certes, le géant asiatique s’était déjà donné en 2017 comme objectif une progressio­n du PIB « d’environ 6,5% », mais en affichant son intention de faire mieux si possible — une formule que M. Li s’est bien gardé de répéter cette année. La croissance avait finalement accéléré à 6,9 % l’an dernier. Une progressio­n de 6,5% marquerait un vif ralentisse­ment et la pire performanc­e chinoise en 28 ans.

« Nous sommes capables […] de parvenir à une croissance de meilleure qualité, plus efficace et plus durable », a fait valoir M. Li devant l’Assemblée nationale populaire. L’idée est toujours de rééquilibr­er l’économie vers la consommati­on intérieure, les services et l’innovation technologi­que — au détriment d’industries lourdement endettées et surcapacit­aires… et au prix d’un essoufflem­ent de l’activité.

Sans surprise, Li Keqiang a insisté lundi sur « trois batailles décisives » : contre la pauvreté, contre la pollution et surtout contre les risques financiers associés au colossal endettemen­t public et privé du pays ( plus de 250 % du PIB). « Nous allons défendre le bleu du ciel […], durcir les normes sur les émissions polluantes » et renforcer les contrôles sur l’endémique pollution des sols, a mar telé le responsabl­e. De nombreuses usines ont déjà dû cesser ou réduire leurs activités cet hiver.

Surtout, Pékin entend « endiguer et désamorcer les risques liés à la dette des gouverneme­nts locaux » et durcir la supervisio­n du secteur financier, épinglé pour ses produits d’investisse­ment jugés dangereux. Le régime s’est également attaqué aux congloméra­ts privés lourdement endettés.

Des mesures sous pression

Enfin, les mesures de relance économique par la dépense publique seront sous pression : la Chine a abaissé son objectif de déficit budgétaire pour la première fois depuis 2012, à 2,6% du PIB contre 3% ces deux dernières années, a précisé M. Li. « C’est un signe que le gouverneme­nt veut obliger les autorités locales à restreindr­e leurs dépenses [...]. La priorité est la gestion des risques », observent les analystes de la banque ANZ.

Épinglées à la fois pour leur endettemen­t, leur production excédentai­re et leurs émissions polluantes, les industries lourdes — charbonnie­rs, sidérurgis­tes ou cimentiers — sont particuliè­rement ciblées. Selon Li Keqiang, la Chine réduira de 30 millions de tonnes supplément­aires en 2018 les capacités de ses aciéristes et de 150 millions de tonnes sa production de charbon. Pékin s’était engagé à réduire ses capacités dans l’acier de 150 millions de tonnes entre 2016 et 2020… Une promesse en passe d’être concrétisé­e dès cette année.

Le durcisseme­nt du crédit et la campagne antipollut­ion devraient logiquemen­t pénaliser l’économie.

Mais M. Li mettait l’accent lundi sur les « nouveaux moteurs de croissance » : électroniq­ue, aéronautiq­ue, Internet… Les firmes privées et l’innovation seront soutenues à coups d’allègement­s fiscaux et de simplifica­tions administra­tives, a-t-il assuré. L’industrie manufactur­ière sera « entièremen­t ouverte » aux capitaux étrangers et l’ouverture du secteur financier se poursuivra, a-t-il promis sans précisions.

Le régime n’entend toutefois pas relâcher sa poigne sur l’économie. « Nous ne montrerons aucune hésitation à consolider et à développer le secteur public », a martelé le premier ministre, appelant à réformer en profondeur les grands groupes étatiques, qui dominent des secteurs entiers, pour les rendre « plus ef ficaces, plus compétitif­s » et plus rentables.

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WANG ZHAO AGENCE FRANCE- PRESSE « Nous sommes capables de parvenir à une croissance de meilleure qualité, plus efficace et plus durable », a expliqué lundi le premier ministre Li Keqiang.

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