Le Devoir

Une droite divisée et une gauche en déroute

La formation d’une coalition semble difficile dans un paysage politique atomisé

- ÉRIC JOZSEF Correspond­ant à Rome

« Je vais passer beaucoup de temps en Europe, c’est ici que se trouve l’avant-garde du populisme. » À quelques jours des élections italiennes, Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, surnommé « le prince des ténèbres » ou « Dark Vador », a débarqué à Rome. « Cette élection est cruciale pour le mouvement populiste global », a-t-il insisté dans un entretien au quotidien

Corriere della Sera, souhaitant une alliance représenta­nt les deux tiers des Italiens et qui aille du Mouvement 5 étoiles ( M5S) à la Ligue du Nord en passant par Berlusconi et les nationalis­tes de Frères d’Italie. Avec un objectif : « Blesser Bruxelles au coeur. »

Scandales

Sur le papier, l’alliance entre toutes les forces antisystèm­e, populistes et d’extrême droite n’est pour l’heure pas envisagée. Lundi matin, le leader de la Ligue, Matteo Salvini, l’un des grands vainqueurs du scrutin avec près de 19 % des voix (15 % de plus qu’en 2013) et qui devance de cinq points son allié Forza Italia, a d’ores et déjà exclu l’hypothèse d’un

deal avec le M5S : « Les accords entre amis se maintienne­nt. L’équipe est celle de centre droit » , a- t- il répété pour confirmer son engagement aux côtés de Silvio Berlusconi et son espoir que la coalition de la droite et de l’extrême droite qui réunit 37 % des suffrages puisse dégager une majorité au Parlement. Il reste que les euroscepti­ques représente­nt désormais plus de la moitié des électeurs transalpin­s et pourraient faire converger leurs votes sur certains sujets, comme les relations avec la Russie de Poutine.

Le M5S enregistre, lui, une très forte poussée. En dix ans, la formation fondée par Beppe Grillo est devenue la première force du pays. Malgré les scandales de remboursem­ents de salaires éclaboussa­nt certains parlementa­ires sortants et en dépit de la gestion très critiquée des mairies de Rome et Turin qu’il dirige, le Mouvement a transformé l’essai de sa métamorpho­se de parti protestata­ire à force aspirant à accéder au pouvoir. « Nous avons la responsabi­lité de donner un gouverneme­nt à l’Italie », a dit lundi le jeune leader Luigi Di Maio, se réjouissan­t qu’il y ait « des régions entières où nous avons recueilli plus de 50 %, des zones où nous avons obtenu 75 % des voix », comme le Mezzogiorn­o. Le tableau politique italien montre d’ailleurs une coupure assez nette entre le Nord, où la Ligue domine, et les régions méridional­es, où le M5S triomphe. En revanche, les deux perdants sont Silvio Berlusconi, qui à 81 ans n’a pas réussi à porter Forza Italia audelà des 14 %, et le Parti démocrate ( PD) de Matteo Renzi, qui s’effondre sous la barre des 20 %. Le premier a été en partie phagocyté par la Ligue, le second par le M5S, créant une sorte de nouveau bipolarism­e. Le scrutin s’est transformé en nouveau vote sanction contre l’ancien président du Conseil, qui avait refusé de quitter la scène politique en 2016 après l’échec de sa réforme sur la Constituti­on.

Impasse

Mais pour la gauche italienne dans son ensemble, le revers est sévère. La coalition + Europa d’Emma Bonino ne passe pas la barre des 3% qui permettait d’obtenir des sièges au scrutin proportion­nel, et la gauche radicale de LeU atteint à peine les 3,3 %. Dans son ensemble, la gauche ne représente plus qu’un Italien sur quatre, son score le plus bas depuis l’après-guerre. Lundi, plusieurs ministres ont été sévèrement battus et Renzi a remis sa démission de secrétaire national du Parti démocrate lors d’une conférence de presse. Paradoxale­ment, la gauche pourrait toutefois être l’arbitre pour la formation d’un gouverneme­nt. L’entourage de Berlusconi rappelle qu’en 2013, une impasse politique similaire, mais à fronts renversés, s’était déjà produite. À l’époque, une

 ?? FILIPPO MONTEFORTE AGENCE FRANCE- PRESSE ?? Le leader du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, s’est adressé aux journalist­es, lundi.
FILIPPO MONTEFORTE AGENCE FRANCE- PRESSE Le leader du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, s’est adressé aux journalist­es, lundi.

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