Le Devoir

Le poste de commissair­e à la santé doit être rétabli, dit l’opposition

- MARIE-MICHÈLE SIOUI MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ants parlementa­ires à Québec

L’étude alarmante sur la hausse de rémunérati­on et la baisse de productivi­té des médecins ne sera pas la dernière à être produite par le Commissair­e à la santé et au bien-être (CSBE) si les libéraux perdent l’élection d’octobre 2018, puisque tous les partis d’opposition se sont engagés mercredi à réinstitue­r ce chien de garde du système de santé québécois s’ils accèdent au pouvoir cet automne.

C’est le CSBE qui a financé l’étude ayant révélé, mardi, que l’enveloppe de rémunérati­on des médecins a doublé entre 2006 et 2015, sans que cela entraîne une améliorati­on des soins aux patients québécois.

Or cet organisme public a été aboli l’an dernier par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, 12 ans après sa création par Philippe Couillard, qui l’avait présenté comme un «gage de transparen­ce» et une façon de «dépolitise­r» le système de santé.

«Nous remettrons en place l’organisme qui a permis de révéler les dérapages de la rémunérati­on des médecins», a affirmé le Parti québécois. «Un ministre de la Santé sage et responsabl­e ne devrait pas avoir peur des conséquenc­es de ses décisions sur le système de santé», a affirmé la députée Diane Lamarre.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a pris le même engagement. «Je pense que c’est nécessaire d’avoir un oeil indépendan­t», a-t-il fait valoir. «Il faut absolument un organisme externe, tout à fait indépendan­t, qui puisse se pencher sur les meilleures pratiques. La preuve vient d’en être faite», a ajouté l’élu solidaire Amir Khadir.

Le président de la Fédération des médecins omnipratic­iens du Québec (FMOQ), Louis Godin, a témoigné de l’importance «d’avoir un regard le plus objectif possible sur les résultats qu’on voudrait atteindre et les résultats qu’on a atteints». «Est-ce que ça doit être fait par le Commissair­e à la santé, est-ce que ça doit être

L’étude sur la rémunérati­on des médecins est inutile, dit le ministre de la Santé, Gaétan Barrette

fait par quelqu’un d’autre? Ça reste un choix qui appartient au gouverneme­nt», a-t-il ajouté.

Inutile, selon Barrette

Gaétan Barrette a plutôt avancé que l’étude dirigée par le chercheur Damien Contandrio­poulos se révélait d’aucune utilité, puisqu’elle regorge de «faits archiconnu­s» et concerne la situation qui prévalait de 2006 à 2015. «Pas besoin d’une étude pour montrer ça» a-t-il lancé aux journalist­es. «Vous auriez pu le voir si vous aviez cherché!» at-il ajouté, en pointant les bases de données de la Régie d’assurance maladie du Québec.

Le ministre a rappelé que les médecins québécois n’ont pas obtenu de hausse de rémunérati­on en échange d’un accroissem­ent de leur productivi­té. «L’augmentati­on de la rémunérati­on a été faite et conclue pour faire un rattrapage», a-t-il affirmé. Et d’ailleurs: il y a encore un enjeu de productivi­té dans le corps médical, a reconnu le premier ministre Philippe Couillard, en point de presse à la Chambre de commerce de Paris. Il est aussi «honnête» de dire que la baisse de la productivi­té des médecins est attribuabl­e, en partie, à la hausse de la rémunérati­on consentie par le gouverneme­nt québécois, a reconnu Gaétan Barrette. «Mais, en même temps, le rattrapage, c’est le rattrapage», a-t-il martelé.

Les deux élus libéraux ont insisté sur les impacts des projets de loi 20 et 130, qui prévoyaien­t des sanctions pour les médecins n’atteignant pas des cibles de performanc­e. «Ce qui est malheureux, c’est que l’étude ne se rend pas suffisamme­nt loin pour montrer à quel point les changement­s donnent des résultats aujourd’hui», s’est désolé le ministre de la Santé. «Si je regarde objectivem­ent le nombre de patients qui sont suivis dans la communauté, c’est évident que je vais dire qu’il y a eu des améliorati­ons», a aussi attesté Louis Godin, rappelant que, depuis 2014, «un million de Québécois de plus » ont accès à un médecin de famille. Des projets de loi 20 et 130, que son syndicat a qualifiés d’«inutiles» et de «matraque», il reconnaît désormais certains effets positifs. «Est-ce que c’était nécessaire­ment la meilleure façon de faire, d’avoir des approches très coercitive­s d’obligation? Ça, je n’en suis pas sûr», a-t-il néanmoins affirmé.

Le ministère n’est

«pas assez interventi­onniste»

Seul point de rapprochem­ent entre le ministre Barrette et les auteurs de l’étude: celui des mécanismes de rémunérati­on, sur lesquels les fédération­s de médecins ont un «très grand contrôle», faute de volonté du ministère «de limiter leur influence sur la gestion de l’enveloppe globale », selon les auteurs de l’étude.

Certes, le ministère n’a pas «été suffisamme­nt interventi­onniste dans l’approbatio­n de telle ou telle mesure», a reconnu Gaétan Barrette. Mais les fédération­s médicales « n’ont pas trop de pouvoir» pour autant, a-t-il ajouté, en précisant que la faute revenait plutôt aux gouverneme­nts, qui «n’ont pas exercé suffisamme­nt leurs pouvoirs » à son avis.

«Je ne suis vraiment pas d’accord avec l’idée qu’on laisse entendre qu’une fois les ententes signées, on fait ce qu’on veut », a répliqué Louis Godin. «Ce n’est pas de même que ça marche, du tout.» Le président de la FMOQ a écorché l’objectivit­é de l’étude, qui aurait dû s’intéresser au taux d’assiduité des médecins et au nombre de patients suivis, selon lui.

Même constat de la Fédération des médecins spécialist­es du Québec (FMSQ), qui a apparenté le travail des six chercheurs aux «opinions de Damien Contandrio­poulos concernant la rémunérati­on des médecins». Ces opinions «sont connues depuis longtemps et la FMSQ n’a pas de commentair­es à faire à la suite de son étude », a écrit la Fédération dans un courriel, en déclinant une demande d’entrevue.

«La validité de l’étude, quant à ces principale­s conclusion­s, m’apparaît tout à fait correcte», a pour sa part déclaré l’ex-ministre libéral et père de l’assurance maladie, Claude Castonguay. Il s’est désolé de la situation actuelle, l’attribuant aux «exagératio­ns du docteur Barrette [et à] son attitude un peu méprisante à l’endroit des autres profession­nels de la santé ». Il a dit croire que la solution passe par une approche qui met moins «l’accent sur la rémunérati­on à l’acte » des médecins et par une tentative de médiation entre les fédération­s et le gouverneme­nt. «Il est possible qu’on arrive à des compromis où il y aura des gagnants, et pas seulement des perdants», a-t-il affirmé.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a commenté l’étude qu’avait commandée le Commissair­e à la santé sur la rémunérati­on des médecins et les soins aux patients en disant qu’elle était inutile parce qu’elle faisait état de faits déjà connus et...
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a commenté l’étude qu’avait commandée le Commissair­e à la santé sur la rémunérati­on des médecins et les soins aux patients en disant qu’elle était inutile parce qu’elle faisait état de faits déjà connus et...

Newspapers in French

Newspapers from Canada