Le Devoir

Les efforts du Québec restent insuffisan­ts

Si rien de plus n’est fait, les émissions polluantes ne pourront être que stabilisée­s d’ici 2020, selon un rapport d’étape

- ALEXANDRE SHIELDS

Malgré des investisse­ments qui devraient dépasser les quatre milliards de dollars de fonds publics, le Plan d’action 2013-2020 sur les changement­s climatique­s du gouverneme­nt Couillard permettra seulement de «stabiliser» les émissions de gaz à effet de serre du Québec. C’est ce que conclut le bilan «mi-parcours» de ce programme, obtenu par Le Devoir.

Le gouverneme­nt du Québec s’est engagé à réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la province d’ici 2020 par rapport au niveau de 1990. Or, les plus récentes données disponible­s, qui remontent à 2014, indiquent que le taux de réduction atteignait alors 8%, mais aussi que ce bilan ne montrait «pas de progressio­n globale significat­ive dans les réductions d’émissions de GES réalisées au Québec ».

«Ceci laisse entrevoir qu’un effort substantie­l de réduction d’émissions de GES est nécessaire d’ici 2020 pour maximiser les réductions d’émissions de GES réalisées au Québec. Selon ces projection­s, les efforts de réduction déjà prévus permettrai­ent uniquement de stabiliser les émissions de GES d’ici 2020 », peut-on lire dans le bilan mi-parcours du Plan d’action 2013-2020 sur les changement­s climatique­s (PACC 2013-2020).

Ce document, produit par le ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s, est daté de 2017, mais il n’a toujours pas été publié.

Cette stagnation des réductions de GES dans la province «s’explique par la tendance à la hausse des émissions découlant notamment de la croissance démographi­que et économique du Québec et par certaines tendances lourdes dans le choix des modes de déplacemen­t», ajoutent les auteurs de ce rapport de près de 80 pages dont Le Devoir a obtenu copie.

Certes, le PACC 2013-2020 génère des réductions d’émissions. Mais même en y ajoutant des mesures du gouverneme­nt fédéral «à venir», «le risque que les réductions d’émissions de GES réalisées au Québec soient moins importante­s qu’on le souhaitait est présenteme­nt significat­if si aucune mesure additionne­lle n’est [prise] d’ici 2020 ».

Pour éviter que le Québec soit forcé de se tourner vers des achats importants de crédits d’émissions sur le marché du carbone — qui pourraient atteindre près de 10 millions de tonnes par année —, le bilan gouverneme­ntal insiste sur la nécessité d’un «renforceme­nt important» du plan actuel. C’est d’ailleurs ce qui serait prévu, afin de «maximiser» les réductions au Québec d’ici deux ans.

«De surcroît, la nécessité de réduire le plus possible les émissions en sol québécois prend une importance accrue depuis que le Québec s’est doté, en 2015, de cibles et d’objectifs encore plus ambitieux pour 2030 et 2050, dont l’atteinte exige la décarbonis­ation de son économie», rappelle le rapport. L’objectif de réduction des

La croissance démographi­que et économique et les modes de transport expliquent le retard du Québec

GES est fixé à 37,5% en 2030 par rapport à 1990.

«Urgence» en transport

Pour placer le Québec sur la voie de cette nécessaire « décarbonis­ation » de l’économie, il y a «urgence d’agir» dans le secteur des transports, qui compte à lui seul pour 41% des émissions de GES. Les actions dans ce secteur doivent d’ailleurs accaparer plus de deux milliards de dollars du budget du PACC 2013-2020.

Le bilan du ministère de l’Environnem­ent constate toutefois que les sommes investies jusqu’à présent dans le transport collectif, jugé «alternatif à “l’auto solo”», «ont essentiell­ement permis de maintenir et de consolider la hausse de l’offre de services réalisée entre 2006 et 2012».

On note cependant que les investisse­ments dans le transport en commun ont contribué à la « mobilité ». « Ils ont toutefois peu contribué à la réduction des émissions de GES, et leur coût [du point de vue des] dollars investis/tonne de GES réduite est élevé». Celui-ci atteindrai­t 60 000$ par tonne, selon ce qu’on peut voir dans un tableau présentant les réductions de GES à l’horizon 2020.

En ce qui a trait à l’électrific­ation du parc automobile québécois, le rapport indique que les ventes de véhicules zéro émission (VZE) «devront augmenter de façon significat­ive pour atteindre la cible de 100 000 véhicules immatricul­és au Québec en 2020 ». Au mieux, cette cible sera atteinte « vers 2022 ». Et encore, cela ne représente­ra qu’une infime partie du parc automobile du Québec, qui avoisine présenteme­nt les 4,5 millions de véhicules.

Décarbonis­er

En parallèle de cet objectif gouverneme­ntal, « peu de mesures visant à réduire les émissions de GES des millions de véhicules qui sont déjà sur les routes du Québec ont été mises en oeuvre ». Qui plus est, les émissions des véhicules lourds ont augmenté de 90 % depuis 1990. Le bilan suggère donc de mener des «études de faisabilit­é» en vue de la «mise sur pied de mesures additionne­lles de réduction des émissions de GES» dans le secteur des transports.

Plus largement, ce bilan propose la création d’un « institut de la décarbonis­ation » pour aider le gouverneme­nt à trouver des solutions «porteuses» pour l’économie et la société québécoise «tout au long de sa transition vers une économie sobre en carbone». Une mesure qui devrait s’accompagne­r d’une «campagne de sensibilis­ation en continu » sur les enjeux climatique­s, un domaine où «peu d’actions ont été mises en oeuvre à ce jour ».

Le rapport souligne par ailleurs le manque de gestes concrets en matière d’«adaptation» aux impacts des changement­s climatique­s. À l’heure actuelle, à peine 8 % du budget du PACC 2013-2020 y est destiné. Il faudrait donc réévaluer cette part, d’autant plus que «les impacts des changement­s climatique­s sont déjà tangibles au Québec», notamment par l’augmentati­on de l’intensité des tempêtes, des inondation­s, de l’érosion côtière, des glissement­s de terrain et de la fonte du pergélisol.

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