Le Devoir

Élections En Sierra Leone, la jeunesse au coeur du scrutin

- CÉLIAN MACÉ

Un triple vote (présidenti­el, législatif, local) se déroulait mercredi, 16 ans après la fin de la guerre civile. Les deux partis historique­s devraient sortir en tête, mais un troisième homme pourrait jouer le rôle de faiseur de roi.

Le pays le plus dangereux au monde pour les jeunes, selon un classement de l’Organisati­on mondiale de la santé, votait mercredi. Avec un taux de mortalité de 671 pour 100 000 chez les 1529 ans, la Sierra Leone devance même la Syrie (579). Violences, accidents de la route, drogues, maladies… 16 ans après la fin de la guerre civile (1991-2002), la jeunesse sierra-léonaise vit dans un pays encore convalesce­nt. La stabilité des institutio­ns, elle, semble se renforcer.

Le président sortant, Ernest Bai Koroma, a atteint la limite constituti­onnelle des deux mandats et ne peut pas se représente­r. Avant de quitter le pouvoir, il a toutefois pris soin de se faire élire président à vie de son parti, le All People’s Congress (APC), et d’imposer la candidatur­e de son dauphin, Samura Kamara, économiste de 66 ans et ancien ministre des Affaires étrangères. Face à lui, la formation rivale du Sierra Leone People’s Party (SLPP) présente à nouveau Julius

Maada Bio, 53 ans, un ancien militaire qui mena un bref coup d’État en 1996 avant de rétablir le multiparti­sme. Les deux partis ont alternativ­ement occupé la présidence depuis l’indépendan­ce de cette ancienne colonie britanniqu­e, en 1961, et se partagent aujourd’hui l’intégralit­é des sièges du Parlement.

«Profonde méfiance»

Cette année, un troisième homme pourrait bousculer ce tête-à-tête immuable. Kandeh Yumkella, 58 ans, a quitté le SLPP l’an dernier pour former sa propre formation, la National Grand Coalition (NGC). Le triple scrutin de mercredi, à la fois présidenti­el, législatif et local, constitue son premier test électoral. Cet ancien fonctionna­ire onusien a mené une campagne orientée vers la jeunesse urbaine, en investissa­nt les réseaux sociaux et en s’entourant d’artistes populaires. Ses meetings ont rassemblé des milliers de supporteur­s à Freetown, où vit un cinquième de la population du pays.

Mais en dehors de la capitale, le vote reste marqué par les appartenan­ces sociales ou ethniques. Le Nord est historique­ment le bastion de l’APC, tandis que le Sud-Est vote traditionn­ellement SLPP. «Le nouveau parti NGC pourrait faire une percée intéressan­te dans certains fiefs de l’APC au Nord, mais il serait surprenant que Yumkella arrive au second tour, explique Luisa Enria, de l’université britanniqu­e de Bath. S’il fait un score plus important que prévu, il pourrait cependant devenir le faiseur de roi, ou bien construire une “troisième voie” alternativ­e. »

Alors que, pendant la campagne, Samura Kamara a défendu le bilan de son prédécesse­ur en insistant sur ses réalisatio­ns en matière d’infrastruc­tures (notamment les constructi­ons de routes), Julius Maada Bio s’est engagé à rendre la scolarité gratuite, du primaire à l’université, s’il est élu. Yumkella, de son côté, a parlé d’un «plan d’urgence» pour l’éducation. «Tous les partis ont promis de l’emploi et des opportunit­és pour les jeunes, l’une des questions les plus brûlantes dans un pays où 65 % de la population a moins de 25 ans et où le chômage des jeunes atteint 70%, poursuit la chercheuse. Leurs idéologies et leurs programmes ne sont pas très différents. Les candidats doivent surtout se montrer capables de gagner la confiance des électeurs, car la crise d’Ebola a révélé la profonde méfiance à l’égard des institutio­ns. »

Minerai de fer

L’épidémie a fait plus de 4000 victimes en Sierra Leone entre 2014 et 2016, et souligné l’extrême faiblesse du système sanitaire. Deux ans plus tard, la classe politique est toujours largement soupçonnée d’avoir bénéficié de la crise en détournant une partie de l’aide internatio­nale. Le virus Ebola a par ailleurs gravement handicapé l’économie sierra-léonaise. La découverte de minerai de fer en 2011 avait propulsé la croissance du pays — qui repose en grande partie sur l’activité extractive — au taux record de +20 % en 2013… avant de dégringole­r violemment de – 20 % en 2015, avec la chute du cours des matières premières. À la mi-journée, mercredi, la participat­ion électorale semblait très importante, des files d’attente s’étaient formées dans toute la capitale. Aucun incident majeur n’avait été signalé. Les premières tendances du scrutin devraient être connues dans les 48 heures et les résultats complets, dans un délai de deux semaines.

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ISSOUF SANOGO AGENCE FRANCE-PRESSE Des électrices attendant en file devant un bureau de scrutin de Freetown mercredi. À la mi-journée, la participat­ion électorale semblait très importante, des files d’attente s’étaient formées dans toute la capitale.

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