Le Devoir

L’ex-agent double Skripal victime d’une attaque à l’agent innervant

- EDOUARD GUIHAIRE à Londres

L’ex-agent double russe Sergueï Skripal et sa fille ont été victimes «d’une tentative de meurtre» à «l’agent innervant», a annoncé mercredi la police britanniqu­e, levant un pan du mystère dans cette affaire à l’origine de tensions avec Moscou.

Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, ont été «visés spécifique­ment», a déclaré le chef de la police antiterror­iste, Mark Rowley, lors d’un point de presse devant le siège de Scotland Yard à Londres.

Ils ont été victimes d’une «tentative de meurtre par l’administra­tion d’un agent innervant», a ajouté le responsabl­e policier, sans vouloir préciser la nature de cet agent. «Notre rôle est désormais d’établir qui est derrière tout ça et pourquoi ils ont commis cet acte», a-t-il dit.

Sergueï Skripal et Youlia avaient été retrouvés dimanche après-midi, inconscien­ts, sans blessure visible, sur un banc près du centre commercial The Maltings à Salisbury (sud de l’Angleterre), puis hospitalis­és.

Ils étaient toujours mercredi dans un état «critique», a indiqué le chef de l’antiterror­isme, annonçant également qu’un policier, l’un des premiers sur place, avait été hospitalis­é dans un «état grave».

Un agent innervant est une substance chimique qui agit sur le système nerveux. Parmi les plus connus figurent le sarin, le tabun, ou encore l’agent VX, utilisé pour assassiner le demi-frère de Kim Jong-un en février 2017. Étant donné la dangerosit­é de ces substances, le responsabl­e de la police s’est voulu rassurant, affirmant ne pas penser «qu’il y ait le moindre risque pour la population ».

Réunion d’urgence

Signe de l’importance de l’affaire, qualifiée d’«incident majeur» par Mark Rowley, le gouverneme­nt britanniqu­e a tenu mercredi une réunion d’urgence, et des moyens substantie­ls sont mobilisés. «Nous avons des centaines d’enquêteurs, de spécialist­es, d’analystes et d’agents du renseignem­ent qui travaillen­t 24 heures sur 24 sur ce cas, en examinant par exemple des centaines d’heures de vidéosurve­illance», a détaillé Scotland Yard.

Sur le plan diplomatiq­ue, l’affaire Skripal continuait mercredi de provoquer des remous entre Londres et Moscou. «Cette histoire a dès le début commencé à être utilisée pour doper la campagne antirusse dans les médias», a dénoncé la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

Bien que la police antiterror­iste ait affirmé étudier toutes les pistes, le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson a montré du doigt Moscou dès mardi. Devant les députés, il a estimé que cette affaire faisait écho à l’empoisonne­ment au polonium 210 d’Alexandre Litvinenko, un ancien agent des services secrets russes, à Londres en 2006. Une enquête britanniqu­e avait mis en cause la responsabi­lité de Moscou.

« Si l’enquête démontre la responsabi­lité d’un État, le gouverneme­nt répondra de façon appropriée et ferme», a prévenu M. Johnson devant les députés, avant de qualifier la Russie de «force néfaste et perturbatr­ice dans bien des aspects ».

Dénonçant ces propos, Mme Zakharova a estimé que « cette histoire va finir comme d’habitude: d’abord, des accusation­s sans fondement, puis ils garderont leurs secrets et ni les journalist­es, ni la population, ni les politiques ne sauront ce qui s’est réellement passé».

À titre d’avertissem­ent, la première ministre britanniqu­e, Theresa May, a indiqué que son gouverneme­nt pourrait considérer un éventuel boycottage diplomatiq­ue de la prochaine Coupe du monde en Russie.

Ancien colonel du service de renseignem­ent de l’armée russe, Sergueï Skripal avait été accusé de «haute trahison» pour avoir vendu des informatio­ns au renseignem­ent britanniqu­e, et condamné en 2006 à 13 ans de prison. En 2010, il avait fait l’objet d’un échange de prisonnier­s organisé entre Moscou, Londres et Washington, et s’était installé en Angleterre.

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