Le Devoir

Une responsabi­lité partagée contre les fausses nouvelles

Des experts réunis au colloque Les Tablettist­es à Ottawa se sont intéressés à la question de la littératie numérique

- PHILIPPE PAPINEAU à Ottawa Notre journalist­e s’est rendu à Ottawa à l’invitation du Groupe Média TFO.

Aux yeux du sous-ministre ontarien de l’Éducation, Bruce Rodrigues, il est essentiel que les jeunes génération­s soient formées de manière à pouvoir démasquer les fausses nouvelles qui fourmillen­t en ligne. Mais si selon lui l’État doit prendre une part de cette responsabi­lité, il estime que les médias et les élèves eux-mêmes devront mettre la main à la pâte.

«Pour reprendre ce qui s’est dit à la Commission de vérité et réconcilia­tion, l’éducation guérit, a expliqué au Devoir M. Rodrigues lors du colloque Les Tablettist­es, portant sur l’éducation et le numérique et organisé par Groupe Média TFO. On doit pouvoir épauler les jeunes pour qu’ils soient capables de déterminer ce qui est vrai.»

Dans ce «combat» de la littératie numérique, il avoue qu’il faudra mieux équiper les professeur­s. «Cela dit, on n’est pas les seuls là-dedans.» Selon lui, non seulement les élèves devront y mettre du leur, «avec leurs expérience­s» d’utilisateu­rs, mais les gouverneme­nts devront «faire équipe avec les médias, pour qu’ils nous enseignent comment ils font leur travail, comment ils font du reportage et ce qui nous manque : où est la ligne entre le vrai et le faux».

Du côté de Catherine Cano, présidente et directrice générale de CPAC, l’intérêt est au rendez-vous. «Il faut contribuer à l’apprentiss­age des jeunes, croit l’ancienne patronne de RDI. Plus on peut leur permettre de comprendre tôt leur rôle démocratiq­ue, les enjeux [de l’informatio­n], plus il y a de chance qu’ils développen­t un esprit critique. »

Sous le capot

Mais aux yeux d’Eugénie Congi, surintenda­nte de l’éducation au Conseil des écoles catholique­s centre-est, en Ontario, «pour être habile dans les compétence­s informatio­nnelles purement techniques, il faut développer des compétence­s globales, au niveau de la pensée critique. Ce sont les apprentiss­ages en profondeur qui vont faire que les jeunes et les moins jeunes peuvent être des citoyens numériques éclairés ».

Il serait donc important dans le développem­ent de la littératie numérique de ne pas en rester aux usages, estime Samuel Nowakowski, chercheur à l’Université de Lorraine. Il ne suffit pas à ses yeux de connaître les possibilit­és inégalable­s de nos téléphones intelligen­ts, il faut aussi «rentrer dans cette culture scientifiq­ue ou technique, et faire comprendre comment ces appareils fonctionne­nt, soulever le capot! Sinon, il y a le risque de se livrer pieds et mains liés aux grandes compagnies de l’Internet.»

Quant à un possible encadremen­t légal contre les fausses nouvelles, comme ce qu’est en train de mettre sur pied la France, elle semblerait ardue, voire impossible au Canada, selon Charles Moumouni, professeur au Départemen­t d’informatio­n et de communicat­ion de l’Université Laval. «Les fake news font partie de la liberté d’expression, qui est garantie par les chartes des droits et libertés au Canada, croit-il. Et les tribunaux ont mis la barre très haute» pour la limitation de celle-ci, soulignant une « tradition de liberté fondamenta­le». L’éducation est selon lui la voie à suivre. Évoquant Socrate, M. Moumouni a suggéré d'« utiliser la raison, la conscience, la logique pour éclairer les étudiants, c’est très important.»

Newspapers in French

Newspapers from Canada