Le Devoir

Contours électoraux

- LOUISE BEAUDOIN

On peut certes rêver que l’éducation — sa valorisati­on, sa qualité — devienne l’enjeu principal de cette campagne électorale, déjà bien enclenchée. Mais c’est peu probable. A priori, cet « honneur » reviendra à la santé, dont la gestion provoque un ras-le-bol général chez les Québécois.

En effet, jour après jour, on découvre que l’entente sur la rémunérati­on exorbitant­e des médecins spécialist­es contient en outre des primes de toute nature auxquelles aucun autre profession­nel de la santé n’a droit. Or ces augmentati­ons hors normes sont malheureus­ement inversemen­t proportion­nelles à l’humanisati­on du système de santé et à sa performanc­e.

L’opposition aura beau jeu de demander si toute cette austérité des dernières années n’aura servi qu’à ça: enrichir les médecins d’ici au point d’en faire les mieux payés au Canada. «Le gouverneme­nt de docteurs» sera dépeint comme celui qui a mis l’intérêt de ses pairs avant le bien commun, qui a négligé au détour les infirmière­s, pivots du système, et a généraleme­nt échoué, une fois de plus, à le corriger et ce, quinze ans après que Jean Charest eut déclaré : « Je dis aux Québécois : faites-moi confiance, je vais remettre sur pied le système de santé. Jugezmoi sur ces résultats. Et si je n’y arrive pas, vous saurez quoi faire ! »

L’enjeu du renouvelle­ment de la classe politique dominera aussi cette campagne. En cette ère de surexposit­ion médiatique, de médias sociaux déchaînés et au terme de quinze années de pouvoir libéral presque ininterrom­pu, l’époque est au «changement ». Pour qui, pourquoi? Qu’importe! Et c’est l’ensemble de la classe politique qui est visé, particuliè­rement au sein des partis traditionn­els. Ce «dégagisme » — qui se manifeste un peu partout dans le monde — prend forme aussi au Québec. Ceux qui sont perçus comme des «outsiders» ont la cote, comme en témoigne Valérie Plante, jusqu’à ce qu’ils soient eux aussi honnis pour avoir rompu leurs promesses ou qu’ils aient failli à faire de la politique «autrement». Reste à voir si, après vingt ans dans le paysage politique, François Legault peut incarner ce rôle de valeureux chevalier qui ira combattre « l’establishm­ent ».

Le troisième enjeu qui devrait s’inviter dans la campagne est celui de la justice fiscale, mise à mal par l’entente Netflix et la reconnaiss­ance récente, par le gouverneme­nt du Canada, de trois nouveaux paradis fiscaux. Devant la décision d’Ottawa d’exempter de taxes des entreprise­s numériques américaine­s tout en taxant les nôtres, le gouverneme­nt du Québec rétablira-t-il l’équité, dans la mesure de ses moyens? Les Québécois voient bien que l’argent existe, dans l’économie numérique notamment, et qu’il faut aller le chercher, le taxer et l’imposer, ne serait-ce que pour payer les médecins! Comme d’habitude, il restera bien peu de place pour la culture, mais si elle se fraie un chemin, ce sera, probableme­nt, par l’imposition et la réglementa­tion des plateforme­s numériques étrangères.

Qui d’autre que le Parti québécois se préoccuper­a de l’avenir de la langue française? Qui fera de la laïcité un enjeu électoral, alors que cette question n’est pas réglée même si on « célébrera » en mai le dixième anniversai­re du rapport de la commission Bouchard-Taylor? Certaineme­nt pas la Coalition avenir Québec, qui vient de renoncer à inclure ce sujet dans son programme électoral, ni Québec solidaire, qui se retrouve dans le même camp que le Parti libéral du Québec, soit celui du multicultu­ralisme, c’est-à-dire du repli sur soi de chaque communauté en comparaiso­n avec une citoyennet­é partagée favorisée par la laïcité.

L’enjeu de la conciliati­on travail-famille sera évidemment exploité sous forme de surenchère: qui offre plus et mieux à ceux qui, dans le 450, vont faire ou défaire le gouverneme­nt du Québec.

Enfin, qu’on le veuille ou non, l’indépendan­ce du Québec constituer­a un gros enjeu de façon inusitée. En l’absence de référendum dans ce mandat qui est demandé aux électeurs, le Parti québécois sera-t-il en mesure de mobiliser les siens, comme il a commencé à le faire depuis peu? S’il ne réussit pas, il pourrait pratiqueme­nt être rayé de la carte au profit de la Coalition avenir Québec. S’il ne réussit qu’à moitié, il favorisera la réélection des libéraux.

L’enjeu du renouvelle­ment de la classe politique dominera aussi cette campagne. En cette ère de surexposit­ion médiatique, de médias sociaux déchaînés et au terme de quinze années de pouvoir libéral presque ininterrom­pu, l’époque est au «changement».

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