Le Devoir

«Une carrière bénie des dieux».

Michel Cormier, directeur général de l’informatio­n, quittera la société d’État le 31 juillet

- PHILIPPE PAPINEAU

Le directeur général de l’informatio­n de Radio-Canada, Michel Cormier, prendra sa retraite du diffuseur public le 31 juillet prochain.

Après une carrière «bénie des dieux » de plus de trente ans au sein de Radio-Canada, le directeur général de l’informatio­n, Michel Cormier, a annoncé lundi qu’il prendrait sa retraite le 31 juillet. Une décision qu’il dit «mûrie depuis longtemps» et prise au moment où les choses vont bien dans son terrain de jeu.

En entrevue téléphoniq­ue au Devoir, Michel Cormier estime que les planètes, autant personnell­es que profession­nelles, étaient alignées pour son départ.

Il s’est par exemple dit heureux de voir que son désir de relancer le Téléjourna­l de 18h et de 22h sous une nouvelle formule a porté ses fruits. «Il y a plus de journalism­e de profondeur, ce sont des émissions qui vont au fond des choses, et on se rend compte que l’écoute a augmenté de façon substantie­lle dans le cas des deux rendezvous. Et les gens restent plus longtemps à l’écoute aussi.»

M. Cormier est entré en poste comme patron de l’informatio­n en avril 2012. Durant son mandat, il a dû gérer le dossier de la surveillan­ce policière des journalist­es de l’équipe d’Enquête et, plus récemment, les répercussi­ons de la diffusion d’un reportage controvers­é sur Gilbert Sicotte.

«Ça fait partie de la vie d’un directeur général de l’informatio­n de devoir gérer les dossiers difficiles», dit Michel Cormier, qui a mis sur pied pendant son mandat le blogue Le mot de l’info, où il expliquait quelques dossiers chauds au public. «Moi, ce qui me conforte, c’est que, sur le journalism­e, on n’a jamais été pris en défaut, ni sur une affaire ou sur l’autre.»

Le numérique

Le journalist­e — aussi auteur de cinq livres et professeur d’éthique journalist­ique à l’Université de Montréal — a surtout dû mener la mutation de la production d’informatio­n dans une époque plus numérique que jamais.

Dans un communiqué, le vice-président principal de Radio-Canada, Michel Bissonnett­e, a estimé que M. Cormier avait «piloté avec succès l’exigeant dossier», ajoutant que «ces changement­s majeurs incontourn­ables visant à ce que le diffuseur public demeure le chef de file en informatio­n resteront la marque indélébile du passage de Michel à la tête de ce secteur ».

Selon le principal intéressé, le travail a été bien entamé, malgré les compressio­ns budgétaire­s qui ont marqué les premières années de son passage de six ans. «Notre performanc­e numérique est à la hauteur de nos moyens. Et on est dans une phase d’accélérati­on du développem­ent numérique en informatio­n», dit M. Cormier, citant en exemple le projet Rad.

De Moncton à Moscou en passant par Montréal

«J’ai eu une carrière bénie des dieux », résume au Devoir Michel Cormier. Natif du Nouveau-Brunswick, il a commencé son parcours à RadioCanad­a comme journalist­e en Acadie. Il a ensuite travaillé comme correspond­ant à Ottawa, avant d’être nommé chef du bureau de Radio-Canada à la colline parlementa­ire à Québec. Michel Cormier aura aussi beaucoup oeuvré à l’étranger, occupant pendant 11 ans le poste de correspond­ant de CBC/Radio-Canada à Moscou, à Paris et à Pékin.

«J’ai eu les plus belles années de couverture journalist­ique à Ottawa, avec la fin de Meech, la création du Bloc, le référendum de 1995… C’était des années palpitante­s. »

Le journalist­e confie par ailleurs avoir été marqué par sa couverture de la guerre en Afghanista­n. «J’ai découvert pour la première fois la vie, l’humanité à son état brut, à son état pur. Ça m’a rendu beaucoup moins cynique comme journalist­e, ça m’a changé comme être humain, je suis devenu plus tolérant, plus humaniste. »

M. Cormier a été nommé directeur général de l’informatio­n dans un contexte de grogne, alors que le vice-président principal de l’époque, Louis Lalande, avait mis à pied peu de temps avant Alain Saulnier à la direction de l’informatio­n du diffuseur public.

«Je n’ai jamais convoité ce niveau de responsabi­lité là, ce n’était pas dans mes ambitions de carrière, avoue Michel Cormier. Mais lorsqu’on vous demande de relever un défi comme ça, il faut bien y réfléchir, et c’est difficile de ne pas accepter aussi. »

Un remplaçant à trouver

Lundi, la direction du diffuseur public a aussi annoncé avoir commencé les recherches pour trouver la personne qui remplacera­it M. Cormier. C’est le cabinet Boyden qui mènera l’exercice, en collaborat­ion avec un comité interne formé de quatre hauts placés radiocanad­iens anciens et actuels, ainsi que de Lise Bissonnett­e et de Carole Beaulieu. Un processus inhabituel et nouveau pour ce genre de poste.

Quelle qualité son remplaçant ou sa remplaçant­e devra-t-il ou elle avoir? L’important «est la poursuite du développem­ent numérique», dit Cormier, qui insiste sur le fait qu’il faudra «rejoindre de nouveaux auditoires, de nouvelles génération­s, pour qu’elles se reconnaiss­ent dans Radio-Canada. Et il faut maintenir les standards de journalism­e du service public».

Quand il sera à la retraite, M. Cormier compte bien continuer d’écrire pour «aller au bout de mon écriture», probableme­nt sous la forme d’un livre.

Toujours sans p.-d.g.

Notons par ailleurs que Radio-Canada est toujours à la recherche d’un présidentd­irecteur général pour remplacer Hubert T. Lacroix, dont le mandat est déjà échu depuis le 31 décembre 2017.

À la mi-janvier, après que le choix du futur p.-d.g. de RadioCanad­a a été reporté indéfinime­nt, l’offre d’emploi pour le prestigieu­x poste a été affichée de nouveau sur le site du gouverneme­nt pour ajouter aux candidatur­es déjà reçues celles de Canadiens vivant à l’étranger. Les candidats avaient jusqu’au 29 janvier pour montrer leur intérêt.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le directeur général de l’informatio­n de Radio-Canada, Michel Cormier, en 2014

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