Le Devoir

Un problème qui attire l’attention internatio­nale

- ÉRIC DESROSIERS PROBLÈME

Les indicateur­s de vulnérabil­ité financière du Canada sont au rouge, prévient la Banque des règlements internatio­naux (BRI).

Souvent surnommée la «banque centrale des banques centrales», l’organisati­on internatio­nale basée à Bâle, en Suisse, a dévoilé, dimanche, une étude passant en revue une série d’indicateur­s avancés censés aider à sonner l’alerte en cas de danger de future crise financière. Le Canada y atteint des niveaux préoccupan­ts dans l’ensemble des quatre principaux indicateur­s considérés, notamment en matière d’endettemen­t des ménages et de dettes détenues par des étrangers, mais plus encore du coût du service de la dette du secteur privé et de l’accélérati­on de cet endettemen­t en proportion de l’ensemble de l’économie, où le Canada «se démarque», avec la Chine et Hong-Kong, par des indicateur­s «rouges clignotant­s», constatent les auteurs de l’étude. Ces derniers relèvent d’autres facteurs aggravants, dont la forte appréciati­on des prix sur le marché immobilier canadien.

Les experts de la BRI ne se penchent pas plus en détail sur le cas du Canada. Ils notent plutôt que leurs «indicateur­s montrent un accroissem­ent des risques dans plusieurs économies». Leurs graphiques et statistiqu­es en annexe permettent cependant de voir, par exemple, qu’au Canada, l’endettemen­t de l’ensemble des acteurs privés, à l’exception des banques, a grimpé de l’équivalent de 150% du produit intérieur brut (PIB) à 213 % depuis 2005.

Mises en garde

Les auteurs de l’étude se dépêchent d’ajouter que leurs indicateur­s doivent être interprété­s avec «considérab­lement de prudence». Établis en fonction des crises financière­s passées, ils ne tiennent pas compte du contexte économique général, ni des particular­ités de chaque pays. Au mieux, ils peuvent indiquer un risque de crise financière qui a une chance sur deux de se matérialis­er, mais parfois pas avant trois ans. De plus, comme les indicateur­s sont basés sur les expérience­s passées, ils peuvent être déjoués par l’évolution de la réalité et l’apparition de nouveaux phénomènes.

L’économiste et stratège en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion, estimait pour sa part, lundi, que «les mises en garde de la BRI sur le Canada doivent être prises avec un grain de sel». Il déplore ainsi qu’elles ne tiennent pas compte des tendances démographi­ques ni de l’état du marché du travail. Il s’étonne notamment que l’Italie puisse y faire meilleure figure que le Canada, alors que le taux d’emploi de l’une est 50 % moins grand que celui de l’autre.

Il s’appuie également sur une récente analyse de la Banque du Canada, qui soulignait de nombreuses failles de l’indicateur de la BRI sur le poids de la dette privée en proportion de l’économie, qui fait particuliè­rement mal paraître le Canada.

Publiée en décembre, l’analyse en question faisait notamment valoir que cet indicateur avait tendance à exagérer le problème de l’endettemen­t privé au Canada parce qu’il englobait dans son calcul la dette des sociétés de la couronne — qui profitent pourtant de la solide garantie des gouverneme­nts — ainsi que les prêts effectués entre filiales d’une même compagnie.

Un risque quand même

La BRI n’est pas toutefois pas la seule organisati­on internatio­nale à se faire du souci pour la santé financière canadienne. Le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) a maintes fois mis en garde le Canada contre le rythme de l’endettemen­t des ménages et de l’accroissem­ent du prix des maisons.

Les autorités canadienne­s sont d’ailleurs bien au fait du problème. Dans son plus récent portrait d’ensemble de la situation, la Banque du Canada plaçait encore, au mois de novembre, le niveau élevé d’endettemen­t des ménages au premier rang des vulnérabil­ités du système financier canadien. Elle déplorait le fait que le crédit aux ménages continue de croître plus vite que leurs revenus et se disait particuliè­rement préoccupée par la concentrat­ion de cette dette entre les mains des familles les plus lourdement endettées.

La Banque du Canada restait cependant relativeme­nt optimiste. «Les modificati­ons apportées aux règles de financemen­t du logement, la hausse des taux d’intérêt et la croissance des revenus des ménages devraient, à terme, continuer d’atténuer cette vulnérabil­ité», estimait-elle.

Entrepris depuis quelques années déjà, le resserreme­nt des règles hypothécai­re a eu droit à un nouveau tour de vis en début d’année. Les nouvelles règles obligent désormais les banques à tester le degré de résistance de leurs clients à d’éventuelle­s hausses des taux d’intérêt avant de leur accorder une hypothèque.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR La forte appréciati­on des prix sur le marché immobilier canadien fait partie des facteurs aggravant la vulnérabil­ité financière du pays.

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