Le Devoir

Theresa May montre du doigt la Russie après l’empoisonne­ment d’un ex-espion

- ANTOINE POLLEZ EDOUARD GUIHAIRE à Londres

La première ministre britanniqu­e, Theresa May, a estimé lundi «très probable» que la Russie soit «responsabl­e» de l’empoisonne­ment de l’ex-espion russe Sergueï Skripal et l’a sommée de s’expliquer d’ici mardi soir, des accusation­s qualifiées de «provocatio­n » par Moscou.

«Il est très probable que la Russie soit responsabl­e» de l’empoisonne­ment de Sergueï Skripal et de sa fille Youlia, a déclaré la dirigeante lors d’une interventi­on devant le Parlement britanniqu­e, signant une escalade de la tension entre les deux pays.

Moscou a aussitôt réagi en dénonçant une « provocatio­n». «C’est un numéro de cirque à destinatio­n du Parlement britanniqu­e», a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, citée par les agences de presse. Sur Facebook, le ministère russe des Affaires étrangères a affirmé que les accusation­s visaient à «discrédite­r la Russie», à l’approche de la Coupe du monde de football, dont elle avait remporté l’organisati­on notamment aux dépens du Royaume-Uni.

Soulignant que l’agent innervant utilisé contre le couple était une substance « de qualité militaire», du groupe des agents «Novichok» mis au point par la Russie, Mme May a donné jusqu’à mardi soir à Moscou pour fournir des explicatio­ns à l’Organisati­on pour l’interdicti­on des armes chimiques (OIAC).

«En l’absence de réponse crédible, nous en conclurons que cette action constitue un usage illégal de la force par l’État russe contre le RoyaumeUni. Et je reviendrai alors devant la chambre [des Communes] et présentera­i l’éventail des mesures que nous prendrons en représaill­es», a-t-elle averti.

Agressions répétées

La première ministre a rappelé que l’empoisonne­ment — une attaque «aveugle et imprudente» — s’inscrivait «dans un contexte bien établi d’agressions menées par l’État Russe», mentionnan­t l’«annexion illégale de la Crimée », les violations «répétées» de l’espace aérien de plusieurs pays européens, des campagnes de cyberespio­nnage, ainsi que l’« attaque barbare » contre Alexandre Litvinenko, ancien agent secret russe empoisonné au Polonium-210 et mort à Londres en 2006.

Évoquant les sanctions prises contre des ressortiss­ants russes après cette affaire, qui «restent en place», elle s’est dite «prête à prendre des mesures plus importante­s». Elle a rappelé que des troupes britanniqu­es étaient déployées en Estonie sur une base de l’OTAN.

La ministre de l’Intérieur, Amber Rudd, doit présider mardi à 10h30 (heure locale) une réunion interminis­térielle de crise Cobra pour faire le point sur l’enquête, selon le ministère.

Interrogé avant l’allocution de Mme May par la BBC sur une éventuelle responsabi­lité de la Russie, le président Vladimir Poutine a répondu, selon les agences de presse russes: «Tirez les choses au clair de votre côté et après nous en parlerons avec vous».

L’ambassade de Russie à Londres a accusé de son côté le gouverneme­nt britanniqu­e de jouer un « jeu très dangereux». Cela «envoie l’enquête sur une piste politique inutile, et porte le risque de graves conséquenc­es à long terme pour nos relations» bilatérale­s, a déclaré un porte-parole de l’ambassade.

Indignatio­n

Le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, a fait savoir lundi que Washington pensait, tout comme les autorités britanniqu­es, que la Russie était probableme­nt responsabl­e de l’empoisonne­ment au Royaume-Uni de l’ancien espion russe Sergueï Skripal.

Au cours d’un entretien téléphoniq­ue avec Theresa May, le président français, Emmanuel Macron, a fait part de sa «solidarité avec le RoyaumeUni», affirme Downing Street, selon qui les deux dirigeants ont convenu d’«agir de concert avec les alliés» pour répondre au «comporteme­nt agressif de la Russie ».

Le 4 mars, Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, ont été découverts empoisonné­s sur un banc de la petite ville de Salisbury, en Angleterre. Ils sont dans un état « critique mais stable, en soins intensifs», tandis qu’un policier, également victime de l’agent innervant, est «conscient» et se trouve «dans un état grave, mais stable».

À Salisbury, une contaminat­ion «limitée» a été constatée dans le restaurant Zizzi et dans le Mill Pub, où se sont rendus Sergueï Skripal et sa fille.

«Le risque pour le public est faible », a assuré Mme May. Toutefois, des centaines de personnes ayant fréquenté ces lieux le jour ou le lendemain de l’empoisonne­ment ont été invitées dimanche à laver leurs vêtements et à nettoyer sacs à main ou téléphones portables avec des lingettes désinfecta­ntes.

Moscou a aussitôt qualifié de «provocatio­n» les accusation­s de la première ministre britanniqu­e

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ADRIAN DENNIS AGENCE FRANCE-PRESSE À Salisbury, une contaminat­ion a été constatée dans deux endroits où se sont rendus l’ex-agent double et sa fille.

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